Plancuter mes sentiments

Si on devait me phloguer ce serait ainsi : esseulé dans l’ascenseur.
Les yeux injectés de sang suite à la douche – les lentilles ne supportent pas bien le chlore de Paris. Les cheveux humides, les pores dilatés, les lèvres gercées et le regard vitreux. L’écharpe noire trop serrée qui écrase le col de ma chemise et laisse entrevoir un bout de peau. Le manteau Hugo Boss qui a perdu tout valeur suite à ce que je viens de faire.

Je me regarde dans le miroir de l’ascenseur et m’y vois difficilement – l’eau de la douche a légèrement déplacé les lentilles de mes pupilles. Je me regarde et je vois un garçon homme qui vient d’embrasser sans aimer, qui vient de dire « je veux te prendre » alors qu’il voulait dire « te faire l’amour ».

Ce garçon Cet homme c’est moi ; mais plus pour longtemps.

Les Branches de Deauville

« Vas-y, gare la voiture ici.
– Mais ça va pas ? C’est totalement Blair Witch comme coin ! »

Stéphane n’était pas hyper courageux à 4 heures du mat’ en sortant des Planches. Pourtant il allait bien falloir s’arrêter quelque part pour poser la tente. Fatigués n’était pas le mot, nous étions explosés. J’avais passé la soirée à parler à l’organisatrice de la soirée pendant que Stéphane et Mickaël pataugeaient dans la piscine. Bien entendu je n’avais pas conclu. Jamais je ne « virerai ma cuti » comme aimait dire Stéphane qui pensait que cette expression signifiait « dépuceler ». Bah finalement je l’ai un peu virer hein…

« On s’arrête là j’en ai marre. »
C’était Mickaël qui venait de trancher. Le médiateur lorsqu’on s’engueulait avec Steuf. Car on avait beau être les meilleurs amis du monde, on se prenait forcément la tête au bout de douze heures de cohabitation.

La tente deux places dressée, je me retrouvais allongé entre les deux, aussi compressé que la tranche de jambon d’un Sodébo. Au bout d’une demi-heure de rigolade, nous décidâmes de nous endormir jusqu’à ce que je me fasse réveiller sur le nez par la pluie qui se faufilait par la fermeture éclair. Je comprenais mieux pourquoi on m’avait mis en club-sandwich.
J’aime le camping.
Nous étions repartis pour une autre demi-heure de poilade lorsque « c’est bon faut qu’on dorme là sinon on va être complètement crevé demain ».

RRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr !!!!!!!!!!!!!!!
Mais c’est quoi ça ??
Un bruit infernal qui faisait trembler la tente et nos corps en entier. Un esprit ? Un démon ? Un meurtre ?? Nous sortîmes précipitamment afin de voir ce qui provoquait tel chaos.
Un train ! Un train qui passait tranquillement à deux mètres de notre tente. Nous avions planté la tente à deux mètres d’une voix ferrée ! Quelle inconscience, mais la connerie forme les heureux souvenirs.

L’esprit de Blair Witch n’était donc qu’un vieux train de marchandise dans les branches de Deauville. On a les fantômes qu’on mérite.

Des distances de tout

On se fait des distances de tout, mais les stations de métro sont proches entre elles.

Je regarde dans le tunnel et je vois au loin la lumière. C’est la prochaine station. J’ai beau exagérer la distance lorsque je voyage dans le tube, je dois me rendre à l’évidence : je ne fais que transiter entre deux points. Et deux points ne peuvent pas être si éloignés que ça car une ligne les relie. Paris est la feuille de papier et j’ai envie de prendre la tangente. Mais peu de probabilités à cela.
Arrêt à Pyramides. Pépita m’attend en bas.

Pyramide du Louvre bien entendu. Car quand ça ne va pas la Cour Carrée me remet à l’endroit ; à l’envers et contre tout. La Carrée où mon bar préférée. Sans Mariah et sans boissons et tout y est beau et clair. Entre les murs je m’épanouis et jamais l’horizon coupé ne m’a parut aussi parfait.

Quelques pas et l’odyssée Louvre-Rivoli – Châtelet n’est plus qu’une vieille mite. J’imaginais des heures de marches entre ces deux univers mais un seul trottoir sépare les douves des magasins de baskets. Audrey Tautou ne mets que 59 secondes à rejoindre Diam’s chez Etam.

Marcher le soir en rentrant du travail. S’arrêter à Concorde et traverser les Tuileries. Laisser voler ses yeux et caresser l’horizon rosé du Paris adulé. S’imaginer que ces touristes japonais vous demanderont de les déifier sur la pellicule argentique. Faudrait pas oublier de photographier les décors du Da Vinci Code quand même.

Quand je marche, je marche droit. Et quand j’ai faim, tout me nourrit. Comme la distance qui me sépare de lui.

L’agence touriste

On devient un vrai Parisien le jour où l’on tient une discussion sur les lignes de métro et lorsque la pisse ne nous gêne plus dans les couloirs souterrains. Mais surtout lorsqu’on a envie d’assassiner les touristes pendant la période de Noël.

A quoi reconnaît-on un touriste dans Paris ? A son look ridicule.
Egaré comme à Disneyland, le touriste perd toute notion de ridicule, surtout en matière de bonnets. Chaussettes longues sur la tête ou bonnets à diamants empotés, le touriste confond se changer les idées avec s’enlaidir. Si j’étais dans la Police du Bon Goût, je ferais fortune à Paris pendant les fêtes de fin d’année.
Une touriste italienne me bouscule sur le Pont Neuf :
« Scuzi.
– On est en France alors on dit pardon ! »
Les Parisiens sont vraiment cons. Mais moins que les touristes quand même.
Mais faut pas croire, je les aime bien les touristes ; ce sont de bons portefeuilles sur pattes.