Et vous, vous avez fait quoi ce week-end ?

Lorsque je travaillais pour la chaîne cryptée, j’avais la réputation d’être un gros fêtard :

« Oh ! T’as de tout petits yeux toi ! T’étais où cette nuit ?
– En Belgique.
– Hein ??
– Bah hier en sortant du taf j’ai pris le train pour Lille. Puis j’ai pris une navette pour aller en boîte en Belgique. Et ce matin j’ai repris le train pour Paris.
– …
– Tu permets ? Je vais aux toilettes me laver les dents »

Et encore, cette nuit-là je me souvenais de ce que j’avais fait.

Bon ok c’était ma boss, et dans 99% des boîtes c’est quelque chose que l’on devrait plutôt cacher, mais la tentation était trop forte. Et surtout, l’histoire était totalement hallucinante : ma boss allait adorer.

« Et toi t’as fait quoi ce week-end ?
– Y’a mes parents qui sont venus.
– Et toi ?
– On est partis se ressourcer en Bretagne sans les enfants. On avait besoin de se retrouver.
– De baiser quoi.
– Euh, oui.
– Et toi ce week-end ?
– Bah je me suis réveillé hier matin dans le Terminal 2B de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. »

C’était l’anniversaire de Clo et Nono à Verrières-les-Buisso. On était tous habillé en « Années Collège ». Anne-Claire avait ressorti le Eastpak, Coloca le caleçon et les Kickers, et Caro avait sorti le big game avec le serre-tête, le col Claudine et les souliers vernis. Le total look MST : Mocassins-Serre-Tête ! C’teuh honte ! A 14 ans elle a pas encore couché avec un garçon !!
Pour ma part, j’avais opté pour quelque chose de plus sobre. En l’occurrence, un jean troué, des écrase-merdes et un t-shirt noir d’un groupe de Métal avec une vierge crucifiée dessus. Comme si je m’étais déjà habillé comme ça, moi et mes petits mocassins sur lesquels je glissais et me pétais la gueule à chaque virage des couloirs du collège.
I wish I was a rebel.

C’est ainsi habillé que je faisais mon M. Fox en tripotant un hétéro qui ne m’avait rien demandé…
Si tu savais C. comme je m’en veux encore d’avoir glissé ma main dans ton pantalon. Ca ne me ressemble tellement pas ! Je demande toujours l’autorisation avant… Mais c’est Yaniss qu’a commencé d’abord ! Il a foutu la merde en venant me dire que t’avais rien contre te taper un mec un jour ! Quel couillon ce Yaniss ! Mais je le comprends, ça a un côté comique. Mais C., à ma décharge, j’avais tout cet alcool dans le sang. Cet alcool qui a noyé ma mémoire de poisson rouge dans un aquarium comparable à celui de Nausicaä.

Tu comprends pas la métaphore ? Putain t’es trop con. Quoi ? C’est déjà fini ?? Six heures ?? Tu te fous de ma gueule ?? Alors les gars on fait quoi maintenant ? Allez on va en boîte ! Chuis chaud là ! Chuis chaud !! QUOI ?? VOUS ALLEZ VOUS COUCHER ?? Bande de tapettes ! Gniarf gniarf gniarf ! Ouais alors que c’est moi la tapette. Oh hey c’est bon. Il est six heures. Je peux pas être drôle tout le temps.
Bon ok j’y vais dans ce RER ! Ok. Putain ouais ouais c’est ça au revoir. Ouais ouais ça va j’te dis. Mais oui j’vais r’trouver l’chemin c’est bon ! Ouais ouais à bientôt ! Et encore un joyeux anniversaire hein !

« Pardon ! Pardon !
– …
– Pardon !
– ?
– Sorry Sir.
– Hein ??
– Monsieur, vous pouvez vous pousser s’il vous plait ?
– Oh. Merde. »

Le Terminal 2B de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle.
J’avais atterri au T2B de RCDG.
Oh, mon, Dieu.

Pendant que les voyageurs pressés bousculaient mon corps ahuri au milieu du terminal, j’explosais de rire.
Je n’avais pas d’autre choix.

Le temps que je reprenne mes esprits, je pris conscience que j’avais du m’endormir dans le RER B, rater Châtelet-Les Halles, m’arrêter au terminus et suivre inconsciemment les voyageurs jusque dans la navette pour enfin me retrouver dans le T2B de RCDG. Il y avait de quoi flipper.

Pourtant, je ne fis que revenir sur mes pas tout en continuant à m’assoupir. A Châtelet, les tapis roulants firent de moi une boule de flipper tant je zigzaguais et avais du mal à suivre une trajectoire rectiligne. Sur la ligne 11, je ratais Place des Fesses pour descendre à Télégraphe. Mais à ce niveau-là, une station à marcher n’a plus rien de décourageant.
Je regagnais mon lit vers 9h avec plusieurs heures de trou noir. De quoi alimenter les légendes urbaines.

Et vous, vous faites quoi ce week-end ?

Qu’est-ce que le gaydar ?

C’est un léger retroussement des lèvres, un relâchement de la mâchoire, un pincement anodin qui nous rassemble.

C’est une réaction incontrôlée quand je croise un des miens dans la rue. C’est un réflexe pavlovien quand nos regards se croisent dans le métro. Elle est là la Communauté. Elle se situe dans ce mouvement imperceptible.
Elle loge au creux de ce rictus figé, de ce sourire à l’envers aux ailes repliées.
On a beau vouloir le cacher, que rien ne transparaisse, il transpire de nous. Comme ces gestes non désirés qui jaillissaient en famille. Pourtant, hormis moi, personne ne s’en aperçoit. Excepté l’homme en face de moi, et qui lui voit l’homosexuel en moi. Car il l’est lui aussi.

C’est cela le gaydar : un geste imperceptible qui fleurit et se fane dans son élan. Juste le temps d’un regard.

Comment se faire passer pour malade au boulot ?

Lorsqu’on a un entretien dans un autre boîte et pas de RTT, faut bien trouver une excuse au boulot :
” J’étais malade, j’ai vomi toute le nuit… ” (Et plus vous rajoutez de détails et plus les gens veulent moins en savoir…)

Mais surtout ce qu’il faut, c’est un bon look :

– Mettre sa chemise de travers.
– Se décoiffer.
– Se sentir crade (c’est très psychologique tout ça).
– Appuyer très fort sur ses yeux afin de les rendre bien rouges.
– Fumer une clope en entier juste avant en 1 minute afin de devenir tout blanc et de marcher de travers.

Et après, je vous assure qu’en franchissant la porte de votre taf, tout le monde vous croit sur parole !

L’aube dès demain

A l’aube de ma vie il y a les flans à la vanille. Non pas des Flanby – ça coûtait trop cher, mais des Champion de Suresnes. De ce supermarché où le Père Noël en néon attelait ses rênes tout au long de l’année sur la façade.

« Allez hop il est l’heure de se lever ! Réveille-toi ! Mange ton flan ! »
Tout en restant allongé dans mon lit, je devais gober mon flan matinal pour gagner du temps. Le mangeant directement dans son pot en plastique sans pouvoir profiter de son unique intérêt : le démouler dans une assiette grâce à sa languette et admirer le caramel couler sur ses flancs. Je gobais pour me réveiller. Les yeux mi-clos, à 6 ans, je prenais des kilos au réveil ; les kilos que j’aurais tant de mal à perdre quelques années plus tard.

Puis il y eut ce réveil que je ne souhaite à personne. Les nausées, l’absence de repères. L’impression de renaître, avec toute la douleur que cela implique. La terreur de ne pas savoir où on est, si elle est là, la mère. Les nausées. Et puis finalement une main qui rassure sur le lit d’hôpital, des mots doux, et une peluche que l’on associe à un infirmier venu bavarder avec un enfant de 6 ans.

A Versailles c’est la radio qui me réveillait. J’étais un djeun’s et c’était trop cool de se réveiller avec NRJ ou Foufoune Radio. « Top la zik sur Fun Radio ! C’est bon plan bon délire ! ».

La nuit, je cherchais les heures curieuses et palindromiques de mon radio-réveil à cristaux liquides : 23:23, 1:11, 22:55 ou encore 0:10. Et un matin j’entendis les premières notes de Bachelorette. Comme si la Terre entière me réveillait dans son plus bel apparat. C’était Oui FM qui m’offrait ce beau cadeau. Ca changeait des « Qui va là je te prie ? » et des « J’aime pas les quatorze ans ! ».
Mais la même radio m’offrit également un réveil atroce : « Michael Hutchence s’est pendu ! ». Sans transition entre les rêves et le monde réel ça fait un peu mal et vous plombe la journée.

Devil inside the clock sometimes.

A Lille je me réveillais quand bon me semblait. Si je ne voulais pas, et bien je ne voulais pas. Qu’importait si je ratais un cours puisqu’on signerait pour moi. J’avais bien déjà signé « Rose La Panterre » ou « Labeï Maya » pour Maggy absente. Ne pouvait-on pas alors signer « Lecha Félix » en mon nom ?

Mais les réveils à Lille c’était parfois au crépuscule à causes des nuits passées à chatter avec Franck. C’était des heures avec ce Toulousain insomniaque que j’avais connu un soir de pleine lune en parlant de Radiohead. C’était attendre le soleil avec lui comme on attend la lumière sur son lit de mort.

Lille, c’était la fin des réveils et le début de la nuit.

C’est Paris qui vit mes premiers réveils à deux.
Dans mon lit « une place et demi » hérité d’une adolescence luxueuse, on se sentait un peu à l’étroit à Place des Fesses. C’est sûrement ce qui a poussé mes amants à usage unique à trouver un garçon mieux doté.

Les réveils à deux c’est parfois l’horreur. C’est parfois la découverte d’un autre. Et cet autre c’est parfois soi. J’aimerais tant pouvoir être celui qui rayonne de beauté au réveil. Un peu comme Laure du Loft qui expliquait qu’elle se levait avant son amant pour aller se maquiller dans la salle de bain et revenir toute pimpante dans le lit. Oui, j’aimerais bien être comme ça. Ou pas.

Car j’aimerais surtout qu’Il le fasse sur moi lors des réveils à deux. Que l’Autre fasse sur moi ce que je préfère faire sur Lui : poser mon regard.
Les croissants chauds qui laissent des miettes dans un lit ne sont rien à côté de ce regard. Un regard qui en dit long, beaucoup plus que tous ces compliments qui m’assomment et qui m’endorment.

Je veux juste qu’Il me réveille.
A l’aube, dès demain.

Elodie Frégé m’a contacté sur CitéGay

J’ai rêvé qu’Elodie Frégé me contactait sur CitéGay.

Elle m’a fait « Salut [Mon Vrai Prénom] ! ». Je lui ai fait « Salut Elodie, tu vas bien ? ». Puis ensuite j’ai osé lui demander ce qu’elle faisait dans la semaine. Nous avons convenu que nous nous retrouverions au concert de Patxi.

Ensuite, je me suis retrouvé dans la rue, par terre, sans force. Un de ces sentiments profonds qui vous font porter la tristesse du monde sur le dos. Incapable d’avancer, de rejoindre Elodie.
Puis Violaine et une autre amie (Cécile ?) sont arrivées et m’ont tendu la main. Le soleil rayonnait derrière leur regard protecteur. Comme dans les films.

Je leur ai tendu la main et me suis relevé, confiant, tout en sentant une cinquième main dans mon dos. Elodie ? Non : Emilie. Mon amie Emilie que je connais depuis 18 ans.

Pas comme Elodie Frégé que j’ai connue il y a 5 minutes sur CitéGay.

La lutte contre la paresse

Lorsque je me promène en ville au beau milieu de la semaine, je suis toujours étonné de voir le nombre de gens qui ne foutent rien de leur journée.

Prenez, là. Je me trouve assis au milieu du Starbucks – le seul café où la solitude est supportable, et bien constatez le nombre de personnes qui traînassent et qui n’ont l’air d’avoir comme seule préoccupation que le nom du gagnant de Secret Story. Bon, il est vrai que vous derrière votre ordi vous n’y voyez pas grand-chose, mais moi je le vois ce grand barbu. Ce grand barbu – très sexy d’ailleurs – ne fout rien de ses journées, c’est moi qui vous le dis.
Si, il fait quelque chose : il ronfle. Il ronfle en plein milieu du Starbucks Café.

Ah ! Il n’a pas tort le Petit Nicolas ! Car au final la France qui se lève tôt sert des Caffè Latte à celle qui se lève tard !

Non mais j’ai bon dos de critiquer alors que j’ai vécu comme ça pendant plus d’un an. La vraie paresse, celle décriée par la Bible et Julien Courbet, je l’ai connue.
La paresse qui vous fait dire « Oh c’est bon, je dors encore un peu. Je me lèverai plus tôt demain… ». Celle qui vous permet de faire les soldes et d’aller chez le coiffeur quand bon vous semble. Celle qui vous permet de faire la queue pendant quatre heures pour obtenir vos places pour Madonna sans vous soucier d’un éventuel retard au boulot. Cette paresse qui vous permet d’avancer dans l’écriture de votre roman…

Cette paresse qui vous fait également doucher à 17h et qui ne rend pas plus propre votre appart’ pour autant. Cette paresse qui ne vous cultive qu’avec Jack Bauer, Shane, Nath Fisher, Julia McNamara et Izzie Stevens. Cette paresse qui vous transforme comme les petits vieux que vous critiquiez, vous qui faîtes désormais les courses le samedi après-midi alors que vous avez tout le temps pendant la semaine.
Cette paresse qui rend improductif, pire : inutile.
Cette paresse qui rend stérile.
Cette paresse qui n’atteint pas que les paresseux.

Car la Paresse touche également les travailleurs.

La première fois que j’ai eu la honte de ma vie

Longtemps, je me suis couché de mauvaise heure. Parfois, à peine le Disney Channel fini, mes yeux se fermaient si vite que je n’avais pas le temps de me dire : « Je m’endors ». Longtemps, je me réveillais en gobant des madeleines et des flans. Longtemps, j’ai cru que la vie n’était que présent.

Tia s’endort dans sa chambre devant Derrick. Je dessine sur les murs. J’ai l’droit, c’est Maman qui m’l’a dit. J’ai peur de Papa. Je sens encore sa gifle sur ma joue. Cindy est idiote. Elle est venue à mon anniversaire alors qu’elle était pas invitée. Elle a dit à sa maman que je lui avais dit une fois dans la cour de récré que je l’inviterai à mon anniversaire mais c’est pas vrai. Quand elle a sonné à la porte et que je l’ai vue avec sa maman j’ai pas compris. Sa maman a raconté à Maman ce que je viens de dire et puis Cindy a eu l’droit de v’nir à mon anniversaire. Je l’ai bien faite pleurer au jeu du Tombeau de Napoléon en trempant plusieurs fois ses doigts dans la confiture en criant que c’était les yeux de Napoléon. J’aime pas Cindy, son prénom il est super moche.

Et puis d’abord elle a pas autant de Lucioles que moi. Moi j’ai plein de Lucioles que j’accroche au mur avec des punaises. J’ai l’droit, c’est Maman qui m’l’a dit. La première fois que j’ai vu une Luciole c’était Marie qui en avait apportée une à l’école. C’était un escargot dans un sac orange et même qu’il brillait dans l’noir. Pour me montrer ça, elle l’a mis dans ses mains et j’ai regardé dedans par un petit trou dans ses doigts. C’était super génial. Bien mieux que Plume le canard de Géraldine ma maîtresse qui fait caca partout dans la classe. Bah oui Plume ! Pas Géraldine ! T’es bête ou quoi ?

J’ai tellement parlé des Lucioles à Papa et Maman que j’ai eu l’escargot puis les autres et même que le Père Noël m’a ramené la tortue où tu peux mettre plein de Lucioles dedans. Super génial !

Je joue tout le temps avec mes Lucioles dans ma chambre. Enfin c’est celle de mon frère aussi parce qu’on la partage et moi j’ai le lit du bas parce que mon frère il est plus grand que moi mais un jour je pourrai dormir dans le lit du haut c’est Maman qui m’la dit. Là je joue aux Lucioles en écoutant un disque avec mon mange-disque rouge que Papi m’a acheté pour mon anniversaire. J’ai eu 6 ans. J’ai eu l’45 tours d’Astro le petit robot aussi. C’est chanté par Franck Olivier. J’ai découvert que quand tu donnes un gros coup sur le mange-disque alors que y’a un disque dedans, le disque il saute et ça fait un truc rigolo dans la chanson : ça saute. Je trouve ça super rigolo. Mais pour les Rois Mages mon frère il a eu l’45 tours de Sabrina et j’l’ai cassé en faisant ça. Alors qu’il était tout neuf. J’me suis bien fait gronder. Sabrina elle aime pas se faire sauter. J’ai plus l’droit d’le faire maintenant, c’est Maman qui m’l’a dit.

Je m’en fiche de toute façon mon frère il m’a cassé plein d’trucs aussi ! Je sais plus quoi mais il m’a cassé des trucs c’est sûr. La la la la la… Ouais je suis Vanessa. Elle est super géniale cette chanson aussi ! La la la la la…

Vanessa quand tu descends

De ton beau nuage blanc

Claude Lombard elle chante trop bien. Je suis Vanessa ! Ouais ! Je danse comme elle dans ma chambre. J’ai une baguette magique comme elle !

Vanessa, tu peux bien faire un détour

Dans notre maison on t’attend touj…

Maman ouvre la porte. Silence. J’ai rien fait de mal. Maman me dit rien. Mais moi j’me sens mal. J’sais pas pourquoi. C’est la première fois qu’j’ai ça. J’sais pas c’que c’est. Mais j’crois que c’est pas bien d’faire comme Vanessa. Et c’est pas Maman qui m’l’a dit cette fois.

La dame qui beurrait des tartines aux moineaux

Il neige parfois en avril comme ce fut le cas à Versailles.
J’avais posé mes mains sur la fenêtre pour mieux voir tomber les flocons. Je dessinais des étoiles avec la buée pour le plus grand déplaisir de ma mère. C’était le printemps où ma grand-tante beurrait des tartines aux moineaux.

« Ils ont besoin de margarine », me disait-elle. « Je ne leur en donne pas beaucoup, juste de quoi prendre des forces. » Et les moineaux piquaient du bec dans la Fruit d’Or. Un drôle d’hiver que ce printemps-là.

On avait eu chaud au réveillon, il n’y avait plus de saison. Mon père avait acheté trois fusées et deux feux de Bengale à allumer dans le jardin. C’était quelque temps avant minuit et ma grand-tante avait froid. « Je regarderai du salon », avait-elle expliqué. La couronne de l’Avant brûlait sur la table basse.
Les fusées volaient et le ciel de la Saint-Sylvestre s’emplissait de couleurs. Ma grand-tante n’en ratait pas une miette le nez collé à la fenêtre. Les feux de Bengale éblouissaient le jardin. Ma grand-tante… Ma grand-tante ? Où était-elle passée ??

« ¡ Al fuego ! ¡ Al fuego ! »
Oh merde, le salon prenait feu !
La couronne de l’Avant s’était embrassée, enflammant napperon, table basse et tapis !
« ¡ Al fuego ! ¡ Al fuego ! »
Ma grand-tante courrait dans tous les sens à 95 ans, aspergeant à coups de Badoit l’incendie de salon.
« ¡ Al fuego ! ¡ Al fuego ! »
Le temps d’arriver jusqu’à elle et l’incendie était maîtrisé. A 95 ans cette dame avait protégé notre foyer des flammes. Et tel un pompier dans son uniforme, elle resplendissait dans sa veste rouge. Le souffle court mais la fierté tranquille. Et ce petit je-ne-sais-quoi de flegmatique qui la rendait si attachante. Elle souriait alors qu’on aurait pu tous y passer. Elle osait sourire comme lorsqu’elle défiait son père à quinze ans.

Les bras sur les hanches et le sourire aux lèvres, on se ressemble encore à 95 ans.

Moi aussi je tourne dans des clips !

J’ai déjà évoqué dans un de mes précédents posts cette occupation quotidienne que j’ai : celle de m’imaginer dans des vidéoclips.

Le casque vissé dans les oreilles, le menton haut et la démarche certaine, j’avance sûr de moi dans les rues de Paris. Les couloirs des Halles comme les allées des Tuileries n’échappent à mes lubies clipesques.
C’est comme ça qu’est-ce que j’y peux ?

Je me sens beau, je me sens fort, invincible et poussé par les ailes musicales. Je déambule et fais avancer avec moi la Terre à chaque pas. Je suis le nombril du monde, la caméra tourne autour de moi et filme les petits pas que j’effectue malgré moi devant le petit bonhomme rouge devant moi. Moi, moi, moi, je claque des doigts et fredonne ce qui se doit en me moquant des regards qui ne regardent pas.
C’est comme ça qu’est-ce que j’y peux ?

Le couloir vide, je l’emplie. Le couloir vide, je suis là et avance en son milieu le néon rectiligne sur ma tête. L’assurance, la lumière et le regard loin devant. Le pas rapide, le bout bientôt, et hop la tête qui tourne et le corps qui suit. L’aération dans les cheveux, le souffle sur les tempes en descendant les marches. Là, là, là, regarder devant soi et ne pas regarder en bas.
Plus qu’un, ne pas regarder. (Ne pas me vautrer.)
Plus qu’un, le regard loin devant.
Et l’assurance.

Ca y’est, chuis grand : chuis un Bee Gees.

Another movie critic

Si je commence à savoir que je veux un mec rien que pour supporter les dimanches, je peux également savoir pourquoi j’aime aller au cinéma.

Je sors à l’instant de Persepolis et paf, encore une claque dans la gueule. J’ai beau avoir la carte UGC, je ne vais pas souvent au ciné. Mais lorsque j’y vais, je cherche le K.O. à tout prix. La dernière fois c’était pour Les chansons d’amour. Si le « tout prix » c’est 18 euro par mois, je veux bien m’acheter 12 Mary par an.

Persepolis : des détails, une vie. Des scènes qui font rire, d’autres qui font pleurer. C’est tout con comme principe mais ça marche à merveille. J’ai entendu quelqu’un dire en sortant : « C’est très bien écrit ». Mais votre vie est également très bien écrite !
Dolly Prane me disait l’autre jour : « Je ne sais pas comment tu fais pour trouver autant de trucs à raconter ». Bah parce que ma vie est le meilleur pitch que jamais je n’aurai ; il ne me reste plus qu’à en écrire le scénario. Comment pourrais-je être assez idiot pour laisser glisser ces sensations et ces souvenirs sur ma peau ? Je veux les retenir. Je veux retenir ce qui déjà est parti.

Un film retient, un livre retient, un dessin retient, et toi tu oses laisser passer ce qui est tien.
C’est pour ça que je vais au cinéma, pour me rappeler que sans créer je ne suis rien.