Compagnons domestiques à durée de vie limitée

Il y a eu la Queen d’abord. Elle est née l’année du Q ; difficile de lui trouver un nom. Ma mère a opté pour ce nom anglais. Avec l’accent espagnol ça faisait très chic d’héler ainsi son chien dans les rues de Barcelone. C’était en 1968.

Il y a eu Baloo ensuite. Prêté par un collègue de mon père parti en vacances, il n’est resté qu’une semaine à la maison. Ma mère lui préparait des salades de riz et moi je le câlinais dans notre résidence de Suresnes, tout près du toboggan en bois et du totem de 1,5m qui me paraissait gigantesque. Bien que toute la famille l’ait adopté, mon père n’a jamais voulu qu’on ait notre propre chien. « Je sais ô combien tout le monde est triste quand un chien meurt. » Drôle de façon de penser que d’envisager la vie par la mort. C’était en 1986.

Puis il y eut les poissons et les grenouilles de mon frère. Les poissons, ils les a ébouillantés le premier jour. Et les grenouilles, c’est vraiment pas très drôle de jouer avec lorsqu’on n’est pas un petit garçon sadique. Des animaux tellement chiants qu’on ne leur a pas donnés de nom. C’était en 1987.

Puis il y eut la tortue de Floride suicidaire. Yola de son petit nom basque. Une brute épaisse comme Félicien de la cum-cum mania. Il y avait une pierre au milieu de son aquarium pour qu’elle puisse se dorer au soleil. Mais elle, elle passait la journée à la pousser de toutes ses forces contre le rebord de l’aquarium. Elle se fabriquait ainsi une échelle pour s’évader de sa prison de verre et gambader à 2 à l’heure sur notre terrasse de Versailles les après-midi ensoleillés. Ma mère se mettait alors à crier : « La tortue a encore disparue !! ». Nous courrions tous alors la chercher sur la terrasse et nous la retrouvions le plus souvent à deux doigts du rebord. Une fois, nous l’avons retrouvée en bas de la terrasse à 1m de la grille d’égout. Elle avait sauté 2 mètres ! Elle voulait sûrement rejoindre ses amis les crocodiles et les tortues de Floride abandonnés dans les égouts versaillais. Une petite créature complètement cinglée que j’adorais ! C’était en 1992.

Réglisse a commencé par me suivre dans la rue. Saleté de chat ! Barre-toi ! Je détestais les chats à l’époque. Je rentrais du collège déjeuner à la maison et Réglisse s’est invité de force lorsque j’ai ouvert la porte :
« Qu’est-ce que c’est que ce chat ??
– J’en sais rien il m’a suivi dans la rue !
– Oui c’est ça mon œil !
– Mais si je t’assure Maman ! »
Mon frère a alors commencé à lui donner du lait pendant que je faisais le tour des boulangeries du quartier pour vérifier qu’aucun chat perdu ne correspondait à sa description.
« Bon alors j’ai vérifié et c’est une chatte !
– On va l’appeler Duchesse alors ! Comme dans les Aristochats ! »
Réglisse s’est donc appelé Duchesse pendant une semaine, jusqu’à ce qu’un vétérinaire confirme que mon frère n’y connaissait rien en sexualité des animaux. C’était plutôt rassurant finalement.
Et Réglisse nous a fait aimer les chats.
Lorsque je vais chez mes parents et que je dors avec lui je pense souvent à cet après-midi où je pleurais par terre dans ma chambre sur mon tapis blanc et qu’il est venu me faire un câlin. C’est con mais ça ne s’oublie pas. C’était en 1996 ; c’était il y a 10 ans.

C’est toujours très culcul les photos de chat tout de même… Même si c’est Réglisse !

La mariée était au banc

Pauline va se marier cet été.
Pauline était mon amoureuse au CE1. On traînait toujours ensemble.
J’étais autoritaire avec elle, on jouait au professeur dans ma chambre. Je la faisais asseoir à un petit bureau et j’écrivais des choses au tableau en disant qu’elle était nulle et qu’elle ne travaillait pas assez.
Elle adorait ça, cette confiance exacerbée en moi.
Et elle aimait être l’Unique, et que je fabrique un matelas de peluches sur le sol de ma chambre pour que nous nous y allongions avec une couverture des Sept Nains.

J’ai demandé Morgane en mariage.
Nous avions 5 ans et j’ai demandé une pièce de 2 FF à ma Maman. Je me suis approché de la machine qui distribuait des mains collantes et des bonbons. J’ai inséré la pièce à la verticale et j’ai tourné la poignée. Une boule en plastique en est tombée et je l’ai ouverte pour y sortir une bague en plastique. Je me suis approché de Morgane et je la lui ai passée au doigt.
Elle a rougi.

Pauline va se marier cet été, et la seule demande en mariage que j’aurais probablement faite de toute ma vie aura été à 5 ans.

Le monde merveilleux de TacTac ou la quête du sling (6)

Je suis devenu pédé à 6 ans.
Je me souviens de Vanessa et la magie des rêves dans ma chambre.
Je me souviens que ma Maman est entrée dans ma chambre et m’a vu en train de danser et de chanter partout dans la pièce :

Vanessa quand tu descends
De ton beau nuage blanc
Nos rêves les plus secrets
Sont tout à coup réalisés

Et là, devant elle, je suis resté interdit et j’ai éprouvé quelque chose d’inexplicable : de la honte.

Pourtant nous avions acheté ensemble ce 45 tours. Nous étions allés au Printemps boulevard Haussmann (à Paris !) acheter trois 45 tours pour mon mange-disque. Avec les 100 FF de Mamie je n’avais pu en acheter que trois, ça m’avait choqué : j’avais trouvé qu’en fait 100 FF c’était pas beaucoup d’argent si on pouvait seulement acheter que trois 45 tours avec.

J’avais acheté les génériques de :
– Vanessa et la magie des rêves
– Creamy, merveilleuse Creamy
– Lydie et la fleur aux sept couleurs
No comment.

C’est mon premier souvenir de questionnement sexuel.

L’autre jour, j’ai pensé à autre chose : j’ai pensé à Yann. Mon copain de l’époque, quand j’avais 6 ans.
Il ne parlait pas beaucoup ; il était timide.
Mais il était mignon.
Je ne me souviens que de ça.

Puis je me suis souvenu de la galette des rois de ma dernière année de maternelle. Comme d’habitude c’était moi le plus fort en dessin, j’avais fait une magnifique couronne cette fois-là, avec un gros papillon vert et violet. Nous devions ensuite la donner à un élève de la classe de CP.
J’ai choisi ce « grand » aux cheveux bruns et à la peau mate. Je l’ai couronné.

Je me souviens ensuite de François au CM2. Il m’avait montré sa bite en me disant qu’avec son cousin ils s’amusaient à la comparer. J’avais trouvé ça hyper bizarre. Ca m’avait pas mal troublé.

Puis je me souviens de la 6ème et de Biboul qui avait passé un dimanche soir à enregistrer sur une K7 l’émission de « Géraldine Petite Coquine » de Skyrock.
Géraldine lisait des histoires coquines à l’antenne. Elle lisait 1 minute de textes cochons et ensuite on avait droit à un quart d’heure de pub et de musique (revenait souvent la même chanson à l’époque où Skyrock ne passait pas que du Rap : Jesus he knows me de Genesis). Difficile dans ces conditions – la radio sous la couette – de ne pas tomber de sommeil avant minuit. Impossible alors d’entendre la fin de l’histoire.
Mais cette fois-là – grâce à Biboul, j’allais savoir comment allait finir la demoiselle qui avait rencontré deux beaux garçons sur la plage et avec lesquels elle avait fait l’amour sous la tente. Oui, enfin, je me souviens surtout que la K7 avait fait le tour de la 6ème 6 du Collège Jean-Philippe Rameau et que la demoiselle en question avait «senti [des] testicules rouler sur [sa] langue comme une boule de billard».

Puis, à partir de là, tout est allé très vite dans ma tête. Mais seulement dans ma tête.
Car je n’ai fait le premier pas que 10 ans plus tard.

Mais il est curieux de voir comme mes goûts pour les garçons n’ont pas changé depuis : bruns, peau mate et parlant moins que moi finalement.
Et puis j’ai toujours aimé jouer au billard.