Le luxe d’écrire

Je pourrais occuper mon temps libre autrement mais j’ai la chance de pouvoir le passer à écrire, donc je le fais.

L’écriture ce n’est juste qu’un stylo et un bout de papier. Pas grand chose au demeurant, tout le monde pourrait y avoir accès. Et pourtant les plus démunis leur préfère le ballon, car l’écriture ce n’est pas qu’affaire de crayon.
L’éducation, l’ouverture d’esprit, l’abstraction et d’autres vertus que mes parents se sont entachés de me tacher. Non, vraiment, écrire n’est pas histoire d’un peu de brouillon.
Ecrire est un luxe, et je ne parlerais même pas de la liberté d’expression dont je jouis sur ce blog. Oui, écrire est une liberté.

Comme je me suis toujours senti libre de lire tous les livres de la terre, mes parents ne m’ayant jamais interdit un seul ouvrage. « Tu as le droit de tout lire mais pas de tout regarder. », me répétait ma mère. C’est pourquoi un soir j’empruntais L’amant dans la bibliothèque de mes parents et plus jamais ne couchais mes yeux. Le mal était fait : je pouvais devenir heureux.
Nabokov, Mishima et Houellebecq suivirent ; les écrivains au goût de souffle enflammaient mes lectures. Mes nuits ne seraient plus tristesse, elles seraient pouvoir. Pouvoir dans ces gribouillis retenus à jamais dans un bout de papier.

Oui, l’écriture n’est pas affaire d’un peu d’encre ; c’est l’histoire d’une chance, la chance de toute une vie.

Je vis dans la caméra

Je tire la langue aux caméras. Lorsque l’impression me confie que je peux y aller je n’hésite pas à la déballer. Je la déroule, je la sors et dans les couloirs du métro je joue d’or. Je joue d’argent, je parie, je rigole en pensant au RATPiste gaudriole qui derrière son écran voit un usager passer le temps. Ils en voient des Parisiens rirent de rien, penser être les seuls dans la journée alors qu’ils sont des centaines dans la journée. Elles captent nos folies les caméras de sécurité. Elles sont là pour nous surveiller, nous protéger, mais au final elles provoquent nos désirs refoulés. Moi je m’amuse en tirant la langue, mais que fera l’exhib’ dont l’envie le démange ?
Il est bien difficile d’être naturel en ces temps de télé-réalité.

Le coup de foutre

Il aura fallu le culte du coup de foudre pour tout faire foirer. A force de nous faire croire que l’amour est possible au premier soir, à la première coucherie des baisers barbares, le coup de foutre nous aura laissés rêver que les sentiments inébranlables sont réalisables au premier désir branlé.
Il en faut du temps. Il en faut du temps pour s’en remettre. Ca passera avec le temps ou quelqu’un d’autre, mais ça va vite de se maquer avec la faute. Et pourtant le temps qu’il faut il le faut pour construire au tout début, pour se connaître, pour se savoir, pour ne pas se faire avoir. C’est le temps qu’il faut pour s’aimer au-delà d’un soir.
Alors patientons. Car si le bonheur est au bout, le temps n’aura pas été long.

Le charme en héritage

Je pensais toujours à mon grand-père les veilles de rentrée. Allongé sur mon lit, je lui parlais dans l’obscurité. Et lui, jamais ne me répondait.

Mon grand-père est décédé en 63 je crois. Je ne l’ai jamais bien su car je ne l’ai jamais connu. Il était avocat mais également journaliste. A ses funérailles, les gens faisaient la queue dans la Calle Pelayo de Barcelone afin d’exprimer leurs condoléances à sa veuve, sa sœur et sa fille ; ma mère.
Ma mère m’a toujours parlé de son père en des termes partagés. Oui c’était un homme du monde, oui tout le monde l’aimait, mais c’était un obsédé sexuel qui trompait sa femme avec tout le monde. « Tu lui ressembles beaucoup », m’a souvent dit ma grand-mère.

Il est vrai que nos profils sont semblables sur le mur du salon, même front dégarni aux entrées, même nez d’aigle qui attire l’attention. « Ton grand-père avait beaucoup d’élégance. Et l’élégance tu nais avec ou jamais tu ne l’as. »
Alors je regarde le grand portrait de mon grand-père dans les escaliers de notre maison d’Hendaye et je commence à comprendre. C’est vrai que cet homme n’est pas le plus beau avec sa bouche un peu coincée, mais qu’est-ce qu’il en jette dans les escaliers. Son regard vous défie avec douceur, il vous invite, est bienveillant, et vous rassure car lui-même est rassuré. Ce regard je l’ai, ce regard je peux l’avoir. Il faut que je l’ai quand je rencontrerai ce garçon ce soir.

« Mais tu es beau ! »
C’est toujours très intrigant quand on me le dit, peut-être plus venant de filles. J’ai toujours du mal à le croire, le manque de confiance le coupable, il faudrait penser à Grand-Père ; et à son regard.

Alors les veilles de rentrée je parle à Grand-Père. On revient sur l’année, compare nos fossettes, pleure un peu, vomit les boutons de chemises et on prie ensemble pour la famille. C’est la seule façon que j’ai trouvée pour le connaître, au-delà de la mort, pour lui dire que je vais bien, très bien même, encore et encore.