Je ne saurai jamais la chance que j’ai.
J’aurai beau me promener accompagné de celui que j’aime et qui me fait tant défaut aujourd’hui, il me manquera toujours quelque chose. Comme en cet instant où je me promène solitaire sous la pluie, et où je m’arrête brutalement. Aller chez moi, voir des amis, m’acheter une babiole, avancer, je n’ai qu’une envie : m’écrouler. Alors que demain, alors que demain, alors que demain je m’envole pour l’autre bout du monde. Pour le Laos, pour le Viêt-Nam, pour l’aventure et pour l’amour. Pour mieux aimer ensuite, j’ai un peu oublié comment faire.
Jamais je ne saurai la chance que j’ai.
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Soleil aveugle
Il faut sortir de chez soi. Il faut sortir voir ce soleil qui brille dans les avenues même s’il a froid. Admirer sur les façades haussmanniennes sa couleur marmoréenne et son éclat. Il faut s’allonger au Parc Monceau malgré l’herbe fraîche et la recherche d’une serviette de verdure pour soi. Il faut sortir de chez soi les week-ends, ça vaut la peine crois-moi.
Je baisse peut-être les yeux, ma cornée prenant un coup devant le soleil péteux, il a raison de crâner ce soleil tant admiré. Il est le seul majestueux. Lui seul peut être notre Dieu. Les Incas savaient bien ça, eux.
Depuis juillet j’ai mal aux yeux, depuis ce jour où j’ai chuté. Voilà pourquoi j’vous ai mal vus, regardais de l’autre côté, étais bien loin ailleurs. On me l’a dit, me l’a reproché, et puis il y a ce garçon qui s’est détourné. Je ne le regardais pas en face, je ne le regardais pas dans les yeux. Ca met mal à l’aise, ça ne donne pas envie des regards de traviole. Un regard qui n’est pas franc n’a rien d’attirant.
Cornée niquée. Cornées infectées. Larmes larmes, yeux d’albinos. Ramasse tes globules petit sac d’os.
Alors maintenant que je sais pourquoi je ne peux plus regarder le soleil, pourquoi je me détourne de la lumière, je vais avancer dans le noir en me fiant à ce que je sais. Je vais me faire confiance. Oui, je vais sortir le dimanche, parler, crier, bavarder et m’exprimer comme je sais le faire.
En aucun cas je vais me taire parce que j’ai mal aux yeux.
Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents qui s’aiment
J’ai la chance d’avoir des parents qui s’aiment. Je ne saurai jamais ce que ça fait de se rendre un week-end sur deux chez Papa ou de rencontrer le nouveau petit copain de Maman au petit-déjeuner.
Mes parents n’ont pas été un couple modèle. Ma maman a piqué d’énormes colères pendant sa quarantaine, allant jusqu’à exploser les assiettes au sol comme dans les films de Fellini. Oui, les dérèglements hormonaux de ma mère ont causé beaucoup de torts à son couple. Et puis il y a cette relation extraconjugale qu’aurait eu mon père vers 1986 et qu’a un jour suggéré mon frère. Oui, les « oui » devant l’autel se transforment en « peut-être » pour le mortel.
Mais avec le temps je le vois bien : ces deux-là s’aiment et pour de bon.
« On s’engueule pas mal avec ton père, mais je ne saurais pas ce que je ferais sans lui. », « J’espère que je partirai avant, car il vaut mieux que vous ayez votre père. », « Si un jour je dois partir avant votre mère, je ne souhaite qu’une chose : qu’elle refasse sa vie avec quelqu’un. Car je ne voudrais pas l’imaginer souffrir de ma perte. »
Mes parents s’aiment ; leurs mots ne trompent pas.
Dans mon schéma amoureux on doit donc s’engueuler et faire des efforts pour rester avec l’Autre. Car au final on s’aimera comme au premier jour ; et on s’aimera même plus fort.
Cela peut paraître rapidement résumé, mais ce que je pense dans mon cervelet. Peut-être pour cela que je m’intéresse souvent aux garçons avec qui je sais que ça ne sera pas évident, que je vais en baver, mais au final que je vais aimer.
L’amour n’est pas histoire de facilité ; merci Papa et Maman de me l’avoir enseigné.
L’éternité dans son carnet
Sur les tapis roulants de Châtelet je cherche des yeux celui que je pourrais immortaliser.
Des milliers de vies défilent chaque jour devant moi. Supermarché des destins offerts sur un plateau dans le métro. J’en pique un. Je le goûte, je l’observe sous tous les angles. Apparence, corpulence, regard fuyant ou assuré, ce qu’il écoute ce qu’il lit, où il va et pourquoi, d’où il vient si c’est loin, ses habits aussi et ce quelque chose qui fera que je le garderai ou pas. Processus d’une microseconde qui pourra me tenir éveillé pour le reste du trajet, le temps de tout orchestrer, le temps de tout rédiger. Beaucoup plus finalement que le temps d’un simple trajet.
J’ai vu un garçon écrire comme dans le métro. Calepin un peu cheap et bille qui roule sur les carreaux. Il s’est arrêté d’écrire dés qu’il a remarqué que je le remarquais ; c’était remarquable. Il était beau. Je ne suis pas capable de dire si je le trouvais beau parce qu’il écrivait sur un calepin dans le métro ou parce qu’il était vraiment beau. Je ne le sais pas ; comme lui ne saura jamais que c’est lui que j’ai choisi pour l’immortalité.
Appréhender les dimanches
J’appréhendais ce week-end. J’appréhendais ce week-end comme étant le premier d’une longue série. Le premier d’une longue série sans rien faire.
J’avais cumulé quatre mariages et un enterrement de vie de célibataires. De quoi dégoûter du Champagne et de la solitude se satisfaire. Et pourtant j’avais apprécié, je m’étais même amusé. Et mieux que tout : des souvenirs je m’étais façonnés. Mais sous tout ça sourdait un cadeau inespéré : pendant cinq semaines de mon emploi du temps dominical on s’était occupé. Aucune déprime sur le clavier, aucune aversion de l’oreiller, mes dimanches étaient remplis ; ils devenaient même sympas. Incroyable pour la Gréco qui vivait en moi. « Je hais les dimanches » chantait la Germanopratine. Et moi en ce dimanche 12 octobre je ne chantais plus déprime.
Les mini-miracles arrivent aux solos s’ils ne cherchent pas la rime.
Histoire naturelle
On m’a fait comprendre qu’un garçon dont j’ai été amoureux pendant un an et demi l’avait très bien compris à l’époque. Ca me rassure, je pensais avoir été le plus mauvais dragueur de la terre.
Il y a ce moment où après plusieurs rendez-vous il est déterminant de faire comprendre à l’autre qu’il nous plait. Sinon on tombe d’amant potentiel à ami substantiel. Et c’est une véritable chute qui s’opère, car plus le temps passe plus les efforts sont vains pour refaire surface.
« J’ai toujours peur de ce moment où je me demande si je dois être naturel à 100%. Je crains toujours de devenir le bon copain en étant vraiment moi-même. » Et tout en disant cette phrase je m’aperçus de son énormité. Mon amie me regardait sans rien dire tant il était évident que le problème résidait dans la phrase que je venais de prononcer.
Pourquoi un garçon ne pourrait-il pas tomber amoureux de ce que je suis ? Pourquoi un garçon voudrait-il uniquement de moi comme d’un ami et non pas comme d’un amant ? J’ai de nombreuses fois entendu « Tu es quand même spécial comme garçon », mais je m’intéresse moi-même aux garçons un peu spéciaux. Alors pourquoi la réciproque ne serait-elle pas possible ?
J’approche de la trentaine, il faut que je sois moi-même. C’est maintenant ou jamais. Ce sera donc maintenant.
Maintenant j’ai dit !
Le coeur est un danseur solitaire
La mariée chantait « I’m a bitch » sur scène à quatre heures du matin. Je venais d’écrire sur son dos « Propriété de » suivi du nom de son mari. Au stylo phosphorescent bien entendu, pour que seul son époux puisse jouir de son bien à la black light.
La mariée dansait la tecktonik lorsque je buvais mon troisième whisky-coke. Il était quatre heures du mat’ lorsque ma main plongea dans la veste à la recherche du portable. Je voulais y lire « Tu me manques ». Mais rien. J’avais trop bu.
Ma pensée dans le verre, je les voyais danser. Les verres dans le passé et tango tecktoniké. Marine et son Guillaume enchaînait les pas pendant que moi les scotchs-coca. Un, deux, trois, un, deux, trois, pas d’homme à mon bras. Je pensais à cette chance de pouvoir les réunir, tous : tous mes amis et la famille aussi. Le cœur est la plus grande salle de bal, mais un mariage aussi c’est pas mal.
Il est là l’argument, il est là le changement : je soutiendrai le mariage homosexuel, rien que pour réunir tous ceux que j’aime devant l’autel.
La prochaine grande fête dans ma famille est prévue pour mon papa, ses 60 ans en 2011 à organiser d’ici-là. On recouvrira la piscine pour en faire piste in. En haute saison on prendra ceux qu’il aime en basque maison. Mon frère sera là avec Steff et les filles. Luna 12 ans, Laïa 6 ans, quelques petites années dans les dents. Et moi ce sera facile, ce sera 30 ans.
« Tu veux faire quelque chose pour tes 30 ans ?
– Je sais pas. Probablement.
– Tu veux faire quoi ?
– Réunir tous ceux que j’aime. Mais c’est impossible… Et puis…
– Et puis ?
– Et puis je préférerais les réunir à mon mariage. »
« Tu peux venir accompagné, tu le sais bien. Je serai ravi qu’il vienne. »
« Il », c’est celui qui m’accompagnera aux 60 ans de mon père. C’est celui qui fera la bise à ma mère, discutera musique avec mon frère et fera des grimaces à mes nièces.
« Tonton ! Il vient de faire une grimace et t’as rien vu ! »
« Il », c’est dans trois ans ; ce sera ma vie.
En attendant, valse la mariée et son père tremblant. En attendant, caresse les voiles sur le sol chantant. Les yeux sont mouillés, les yeux sont brillants, comme ceux de mon époux quand j’aurai 30 ans.
Le luxe d’écrire
Je pourrais occuper mon temps libre autrement mais j’ai la chance de pouvoir le passer à écrire, donc je le fais.
L’écriture ce n’est juste qu’un stylo et un bout de papier. Pas grand chose au demeurant, tout le monde pourrait y avoir accès. Et pourtant les plus démunis leur préfère le ballon, car l’écriture ce n’est pas qu’affaire de crayon.
L’éducation, l’ouverture d’esprit, l’abstraction et d’autres vertus que mes parents se sont entachés de me tacher. Non, vraiment, écrire n’est pas histoire d’un peu de brouillon.
Ecrire est un luxe, et je ne parlerais même pas de la liberté d’expression dont je jouis sur ce blog. Oui, écrire est une liberté.
Comme je me suis toujours senti libre de lire tous les livres de la terre, mes parents ne m’ayant jamais interdit un seul ouvrage. « Tu as le droit de tout lire mais pas de tout regarder. », me répétait ma mère. C’est pourquoi un soir j’empruntais L’amant dans la bibliothèque de mes parents et plus jamais ne couchais mes yeux. Le mal était fait : je pouvais devenir heureux.
Nabokov, Mishima et Houellebecq suivirent ; les écrivains au goût de souffle enflammaient mes lectures. Mes nuits ne seraient plus tristesse, elles seraient pouvoir. Pouvoir dans ces gribouillis retenus à jamais dans un bout de papier.
Oui, l’écriture n’est pas affaire d’un peu d’encre ; c’est l’histoire d’une chance, la chance de toute une vie.
Je vis dans la caméra
Je tire la langue aux caméras. Lorsque l’impression me confie que je peux y aller je n’hésite pas à la déballer. Je la déroule, je la sors et dans les couloirs du métro je joue d’or. Je joue d’argent, je parie, je rigole en pensant au RATPiste gaudriole qui derrière son écran voit un usager passer le temps. Ils en voient des Parisiens rirent de rien, penser être les seuls dans la journée alors qu’ils sont des centaines dans la journée. Elles captent nos folies les caméras de sécurité. Elles sont là pour nous surveiller, nous protéger, mais au final elles provoquent nos désirs refoulés. Moi je m’amuse en tirant la langue, mais que fera l’exhib’ dont l’envie le démange ?
Il est bien difficile d’être naturel en ces temps de télé-réalité.
Le coup de foutre
Il aura fallu le culte du coup de foudre pour tout faire foirer. A force de nous faire croire que l’amour est possible au premier soir, à la première coucherie des baisers barbares, le coup de foutre nous aura laissés rêver que les sentiments inébranlables sont réalisables au premier désir branlé.
Il en faut du temps. Il en faut du temps pour s’en remettre. Ca passera avec le temps ou quelqu’un d’autre, mais ça va vite de se maquer avec la faute. Et pourtant le temps qu’il faut il le faut pour construire au tout début, pour se connaître, pour se savoir, pour ne pas se faire avoir. C’est le temps qu’il faut pour s’aimer au-delà d’un soir.
Alors patientons. Car si le bonheur est au bout, le temps n’aura pas été long.