Le pourquoi de mon comment

Son évocation suffit à me déstabiliser. Il a suffit qu’il évoque son existence au détour d’une phrase pour me faire passer de roc à eau fuyante, de la certitude au doute, de l’apaisement au combat. Oui, c’est un peu tout ça lorsqu’un garçon qui me plait évoque son ex par-ci par-là.

C’est un combat perdu d’avance sur le ring de la séduction, moi qui me trouvais pas si mal commence à me trouver du ventre, qui m’imaginais tendre me trouve niais, qui me pensais drôle me trouve ridicule. Je suis forcé d’admettre ma défaite devant cet ex idéal que je n’ai jamais connu.
Je pourrais me dire qu’il y a des raisons à leur rupture, que ce n’était pas le bon ; que c’est peut-être moi. Mais non, le manque de confiance gagne sur ce terrain-là. L’ex aura quelque chose que je n’aurai jamais, et c’est cette défaite-là que je devrais admettre au lieu de celle des sentiments. J’ai ma place, j’ai ma chance, dans un coeur qui fut par un autre habité.

« Tu es déjà resté longtemps avec quelqu’un ? »
S’il y a bien une question qui m’agace c’est bien celle-ci.
La réponse est non, et cela quelle que soit la définition de « longtemps » pour chacun. Car tout le monde a la même définition « d’un mois », et un mois est mon pitoyable exploit.
Alors oui j’aurais pu me mettre en couple « pour essayer », pour faire comme tout le monde, ne pas être en reste, changer son statut sur Facebook ; pour uniquement « être en couple ». Mais non, je m’y suis toujours refusé. Alors aujourd’hui je le paye.
On me regarde de travers lorsque j’avoue mon absence de vie de couple en 27 ans.
Oui, je l’avoue comme on avouerait un crime, et peut-être est-ce cela qui me rend anormal aux yeux des gens. Car aux miens tout s’explique si cela doit être analysé : j’ai été longtemps amoureux sans amour en retour, et mon coeur – contrairement à mon lit – n’a de place que pour un. Point.
C’est dur à dire lors d’un premier rendez-vous.

Alors gentil garçon ne me pose pas cette question, et n’évoque pas l’existence de ton ex si tu ne veux pas de moi kleenex. Car l’essentiel dans cette histoire c’est qu’il n’y a de place que pour un, et je crois que ça se fait rare en nos tristes matins.
Viens, ne parlons pas et prends-moi juste la main.

Rendez-vous nocturnes

La mère d’Anne-Claire avait l’habitude de se faire réveiller à quatre heures du mat’ ; mon père aussi.

« Allo Papa ? Tu peux venir nous chercher s’teuh plait ? »
Alors mon père enfilait fissa son fût’, la mère d’Anne-Claire son col roulé, et tous deux filaient fenêtres ouvertes sur leur fidèle destrier au secours de leur progéniture adorée. Des parents modèles pour résumer.

Mais chacun avait son style à quatre heures du mat’. Mon père c’était plutôt polos colorés dans sa Jaguar chouchoutée, tandis que la mère d’Anne-Claire c’était sombres tenues dans sa mini en retenue. Dans les deux il y avait de la musique, respectivement Dian Krall et Fip.
« Vous êtes sur Fip, il est quatre heures du matin. »
« Je le sais bien, bécasse », devait soupirer la mère d’Anne-Claire devant sa radio.

« J’ai une soirée sur une péniche à Saint-Cloud », « Héloïse organise une soirée dans le château de sa mère », « C’est à l’Aquagif de Gif-sur-Yvette », « C’est aux Planches à côté des Champs », nos parents avaient intérêt à avoir bien repéré l’itinéraire pendant leur soirée. Il valait mieux éviter de se perdre en pleine nuit au milieu de nulle part.
Et pendant ce temps-là on dansait, on buvait, on vomissait et on riait. Parmi nos meilleurs souvenirs grâce à Papa-Maman.
« Je préfère aller te chercher plutôt que de te savoir rentrer avec quelqu’un de saoul. »

Nos parents parfaits on les avait trouvés sans même avoir eu besoin de les chercher. Il y a des évidences qui peuvent mettre dix ans à vous éclairer.

Sainte-Rita, ayez Pitt de nous

Je peux me taper Brad Pitt si je veux. J’aurais plus de mal à le garder en revanche.

« C’est bien d’avoir confiance en soi.
– C’est plus complexe que ça.
– A qui tu parles ?
– A moi-même.
– Ah. »

En écrivant ça, j’ai confondu les Moïses de mon voisin d’en face avec une flaque de vomi. Il faut vraiment que je corrige les verres de mes lunettes. A moins que ceux-ci ne me fassent voir la vérité mise à nue.

Et alors tout s’éclaircit. Car le Brad Pitt dont je parle est en réalité Bertrand Planchon, non pas le plus beau de l’univers mais le plus beau à mes yeux. « Et si je ne crois pas en ce que je vois, que vais-je pouvoir dire à Saint-Thomas ?
– Adresse-toi plutôt à Sainte-Rita. »

Sainte patronne des causes désespérées, Sainte PDG des pédés, la Rita j’n’ai pas eu besoin de toi pendant deux ans. Depuis août 2006 ma famille le sait et j’ai été heureux pour ça. Le bonheur est vraiment relatif mais pour moi il fut. Jusqu’à ce jour proche de juillet où la maison TacTac chuta. Et aujourd’hui je reviens vers toi : La Rita, la Rita, je te veux si tu veux de moi.

« Tu crois vraiment que c’est ça ? Que tu avais droit à deux ans de bonheur après ton coming-out ? C’est toi seul qui as décidé quand le dire, quand mettre fin à tout ça, quand commencer le reste et quand l’achever. Et c’est également toi qui pourras relancer tout ça… Maintenant tu me dois 35€ car t’as stationné trop longtemps sur une sortie de parking. Faut bouger Monsieur. »

Et là Lovely Rita me cloua le bec sur ma croix. Elle était vraiment forte celle-là. Elle traînait mes problèmes à la fourrière. Sombrero Seño-Rita.