Le coeur est un danseur solitaire

La mariée chantait « I’m a bitch » sur scène à quatre heures du matin. Je venais d’écrire sur son dos « Propriété de » suivi du nom de son mari. Au stylo phosphorescent bien entendu, pour que seul son époux puisse jouir de son bien à la black light.

La mariée dansait la tecktonik lorsque je buvais mon troisième whisky-coke. Il était quatre heures du mat’ lorsque ma main plongea dans la veste à la recherche du portable. Je voulais y lire « Tu me manques ». Mais rien. J’avais trop bu.

Ma pensée dans le verre, je les voyais danser. Les verres dans le passé et tango tecktoniké. Marine et son Guillaume enchaînait les pas pendant que moi les scotchs-coca. Un, deux, trois, un, deux, trois, pas d’homme à mon bras. Je pensais à cette chance de pouvoir les réunir, tous : tous mes amis et la famille aussi. Le cœur est la plus grande salle de bal, mais un mariage aussi c’est pas mal.
Il est là l’argument, il est là le changement : je soutiendrai le mariage homosexuel, rien que pour réunir tous ceux que j’aime devant l’autel.

La prochaine grande fête dans ma famille est prévue pour mon papa, ses 60 ans en 2011 à organiser d’ici-là. On recouvrira la piscine pour en faire piste in. En haute saison on prendra ceux qu’il aime en basque maison. Mon frère sera là avec Steff et les filles. Luna 12 ans, Laïa 6 ans, quelques petites années dans les dents. Et moi ce sera facile, ce sera 30 ans.

« Tu veux faire quelque chose pour tes 30 ans ?
– Je sais pas. Probablement.
– Tu veux faire quoi ?
– Réunir tous ceux que j’aime. Mais c’est impossible… Et puis…
– Et puis ?
– Et puis je préférerais les réunir à mon mariage. »

« Tu peux venir accompagné, tu le sais bien. Je serai ravi qu’il vienne. »
« Il », c’est celui qui m’accompagnera aux 60 ans de mon père. C’est celui qui fera la bise à ma mère, discutera musique avec mon frère et fera des grimaces à mes nièces.
« Tonton ! Il vient de faire une grimace et t’as rien vu ! »

« Il », c’est dans trois ans ; ce sera ma vie.

En attendant, valse la mariée et son père tremblant. En attendant, caresse les voiles sur le sol chantant. Les yeux sont mouillés, les yeux sont brillants, comme ceux de mon époux quand j’aurai 30 ans.

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