Voleur de nuit

C’était à cette époque où l’organisation du samedi soir commençait dés la récré du lundi matin.

On avait passé la soirée chez Pierre à faire des fumettes à son chien et à se tordre de rire devant le boulard de Canal+. Franchement Supergirl qui taille une pipe tout en volant parmi les nuages, y’a de quoi rigoler pendant des heures. Quel obsédé ce Pierre, il avait quand même le poster de Tita nique à Budapest sur les murs de sa chambre. Pour ses parents naturistes qui se rendaient chaque été aux villages d’Aphrodite, Eden et Ulysse, la nudité d’une jeune Hongroise sur les murs de leur fils ne posait pas de problème.

Je revenais donc d’une de ces soirées hautement intellectuelles, où il devenait même trop compliqué de refaire le monde tellement les 3 Kros que nous avions bues nous avaient atteints. Je n’avais que dix minutes de marche jusqu’à chez moi. Pas d’i-Pod à l’époque, mais juste les étoiles dans les yeux et les ombres des pierres meulières.

Arrivé dans ma petite rue privée, j’eu le sentiment étrange d’être observé. Je relevais alors doucement la tête vers le toit des voisins. Doucement. Plus doucement encore. Il fallait que ce geste ait l’air le plus naturel possible, et le plus discret aussi.
C’était bien ce que je pensais : quelqu’un se promenait sur le toit de mes voisins.
Il y avait un cambrioleur sur le toit de mes voisins.
Je dessaoulai direct.

Capuche sur la tête, pas de loup et lampe torche à la main, j’osais à peine le regarder. Je me concentrais juste sur les derniers mètres qui me restaient à faire jusqu’à la porte de ma maison. Plus que quelques mètres. La clef déjà prête à la main. La tourner doucement dans la serrure. Ne pas craindre le poids des regards sur ma nuque. Refermer lentement la porte derrière moi. Voilà. Et là :

PUTAIN VITE LES FLICS !
ALLO Y’A UN VOLEUR SUR LE TOIT DE MES VOISINS !!! OUI J’EN SUIS SÛR !!!
Je leur donnais mon nom et le numéro de téléphone de chez moi. Ils m’appelleraient quand ils seraient dans ma rue pour que je leur montre discrètement la maison de mes voisins.
Super, j’allais sortir en pleine nuit en pantoufle et robe de chambre écossaise Monoprix. Je ferais semblant de chercher mon chat sous les voitures. Ce ne serait pas la première fois en plus.
Mais s’ils téléphonaient, cela signifiait qu’il fallait que j’aille immédiatement réveiller mes parents. Merde.

Toc Toc !
« Quoi ?? Qu’est-ce qu’il se passe ?? Il est quelle heure ?
– Papa, Maman, j’ai quelque chose à vous annoncer… Il y a un cambrioleur sur le toit des voisins. »

Je peux vous dire que lorsqu’Anne-Laure s’est faite plaquer par Maxime je ne faisais pas la fière. Je me suis tout de suite dit que j’aurais du mal à gérer ça mais j’ai fait ça comme j’ai pu. Je l’ai donc invitée à dormir chez moi pour le week-end. Je la vois galérer pendant des heures à chaque fois avec le bus pour Voisins-le-Bretonneux ; ça la changera de ne pas devoir rentrer avant minuit ou de réveiller sa mère à 3 heures du mat’ pour qu’elle vienne la chercher.
J’ai tout prévu sur ce coup-là. J’ai demandé ce matin à ma mère et à Patrick qu’ils achètent au Champion une bouteille de Coca, des Monster Munch, une pizza Fresh Up (j’aime que cette marque), de la Häagen-Dazs parfum vanille-noix de macadamia et, s’ils le pouvaient, une bouteille de Bailey’s pour remonter le moral de ma copine.
Je crois que ma mère et Patrick ont compris qu’Anne-Laure comptait beaucoup pour moi. Je suis contente qu’ils aient compris que notre complémentarité ne passe pas seulement par le choix concerté de nos salopettes Pimkie et de nos sacs Kipling, mais aussi par une conception beaucoup plus philosophique de la vie. Je peux aujourd’hui affirmer avec certitude qu’Anne-Laure est la meilleure amie que je n’ai jamais eue.

Je nous revois encore rire comme des débiles devant les épisodes de la série américaine que j’ai enregistrée mardi sur Canal Jimmy. J’ai jamais vu une série aussi drôle que celle-ci : ça s’appelle Friends. Je regarde cette série depuis longtemps sur le câble, alors que les gens commencent tout juste à la découvrir.

J’ai l’impression qu’Anne-Laure passe une bonne soirée dans la pièce de la télé au deuxième et qu’elle commence à oublier ce connard de Maxime. Je crois que c’est le moment de lui offrir mon petit cadeau…
J’ai eu beaucoup de mal à le lui obtenir, enfin, à oser en demander à Jérôme plutôt. Je pensais que ça coûterait beaucoup plus cher mais ça va finalement : fumer du shit est à la portée de tous.
Je ressens une certaine fierté en voyant le sourire d’Anne-Laure qui découvre le joint. J’ai frappé juste.
Je ne vois juste qu’un petit problème si on se met à le fumer maintenant : l’odeur. J’ai quand même un peu peur de la réaction de ma mère et de Patrick s’ils se réveillaient. Je crois qu’on ferait mieux de monter sur le toit pour le fumer tranquillement.

Je vous assure que ce n’est pas du tout risqué de monter sur le toit en pleine nuit. Je l’ai déjà fait plein de fois avec mon frère pour regarder les étoiles. Je vois bien qu’Anne-Laure est un peu effrayée, mais excitée également. Je suis dans le même état qu’elle, ça va être marrant.
J’enfile juste un blouson et je prends une lampe torche histoire de ne pas marcher sur une tuile pétée.
Je suis fin prête à fumer ce putain de joint sur le toit !

J’ai quand même un peu peur de me péter la gueule. J’aurais l’air vraiment conne si je chutais de 3 étages là maintenant. Je me demande si le voisin qui passe dans la rue me rattraperait dans ses bras. Je le trouve mignon ce gars ; faudrait que je me débrouille pour lui parler un jour. Je trouverai bien un prétexte.

Je suis complètement défoncée depuis une dizaine de minutes. Je commence à avoir froid en plus. Je vois bien qu’Anne-Laure voudrait rentrer pour aller se coucher. Je crois qu’elle a l’air effrayée par les mecs qui traînent dans la rue là. J’avoue que c’est chelou en effet : y’a 4-5 mecs hyper baraqués qui frôlent les murs pendant que le voisin crie « Réglisse ! » sous les voitures. Je me demande s’il a remarqué qu’il n’était pas tout seul dans la rue. J’ai jamais vu une scène comme ça.
J’ai l’impression qu’ils ont disparu là. J’y comprends plus rien !
Je ne pense pas que ce soit le voisin à la recherche de son chat qui les a fait fuir ; il est loin d’être effrayant avec ses charentaises. Je vais me garder de le fréquenter finalement. J’aime pas sa robe de chambre Monoprix en plus.

Homme sweet homme

Lorsque nous avons fait le Coxxfession Tour 2006 with Muxu Munu, nous avons notamment logé chez l’habitante. En l’occurrence chez Tony & Mario.
Non, Tony & Mario ne sont pas coiffeurs à Barcelone mais responsables d’une guesthouse au nom très original et pas du tout cliché. D’ailleurs, dans leur bibliothèque, ils ont des livres très intéressants sur la culture gay, et notamment le Kamasutra pour pédés.

Waouh ! Que c’est varié ! Que de positions différentes !
J’en avais donc fait le tour en 2 minutes, lorsque j’arrivai à une conclusion : il m’était impossible de n’être qu’actif ou passif.
En effet, avec aussi peu de positions sexuelles répertoriées dans le Quid du PD, je ne pouvais être qu’auto-reverse de peur de vite me faire chier au lit.

Interlude musical :

Erase and rewind
‘Cause I’ve been changing my mind

Nous reprenons la suite de nos programmes.

Classés en deuxième position sur la variété des positions sexuelles (juste après les hétérosexuels mais devant les lesbiennes), les homosexuels seraient donc réduits à envisager les lieux et les partenaires les plus insensés pour leurs ébats.

Finalement, le Kamasutra gay expliquerait tous les comportements dépravés de la jeunesse homosexuelle actuelle. Les jeunes gays se feraient fister dans des caves dans le but altruiste d’enrichir la sexualité de leur communauté !

Tout comme Ikare, je ne suis donc ni actif ni passif. En revanche, je recherche un garçon compatible avec moi sur un point très important : le ménage.

La voilà la faille ! Le voilà le pourquoi du comment, l’explication du pourquoi et le truc du machin : le ménach’ !

Je déteste passer l’aspirateur. C’est aussi simple que cela.
Que “ça” même, pour faire encore plus simple. Quoique ma phrase ne devient-elle pas alors plus compliquée ?

Bref, je ne sais pas si c’est dû au fait que ça me rappelle à chaque fois mon père qui venait me déranger dans ma chambre pendant mes devoirs.
Pendant que j’essayais vainement de comprendre quelque chose aux probas, mon père se ramenait tous les dimanches au crépuscule dans ma chambre, avec son long manche au milieu de mes jambes repliées au-dessus de ma chaise.
Vous voyez, vous-même ça vous met mal à l’aise.

Ou alors on peut envisager que je déteste tout simplement passer l’aspirateur car ça me fait chier.
Je peux travailler en musique en faisant la vaisselle, la poussière, les carreaux et les chiottes.
Bon j’aime pas trop faire les chiottes, mais je préfère encore ça à l’aspi. Ou “aspiro” si vous préfèrez. C’est comme pour “asso” ou “assoce”, certains ont leurs préférences…
Mais travailler en musique avec l’aspirateur c’est impossible à cause de son foutu bruit !
Même les Sept Nains ont essayé de siffler en passant l’aspirateur mais n’y sont pas arrivés ! Pourquoi vous croyez que Blanche-Neige trouve leur baraque dégueulasse en arrivant chez eux ?

La solution ? Acheter un aspirateur silencieux ? Ou un robot ?
Why not. Mais je préfère l’option du gars.

Car le gars me complètera sur ça et moi je le complèterai sur le reste : je serai sa bonne à tout faire.
Je lui ferai l’amour et la poussière en échange de sa haine des moutons sous le lit.
Car on aime tous les Bree Van de Kamp, et moi le premier.

Le fil

Je prenais une bobine de fil pour en faire des rayons laser.

Tia, ma grand-tante, vivait avec nous. Elle avait emménagé avec mes parents au bout de leur premier anniversaire de mariage. Ils l’avaient recueillie avec eux de peur qu’elle ne refasse un infarctus. Elle avait besoin de toute leur attention. C’était en 1975.
Elle a vécu avec nous jusqu’à ses 96 ans. C’était en 1999.
Les familles espagnoles ça ne se refait pas.

Tia participait néanmoins aux taches ménagères : elle enlevait la poussière et cousait. Elle faisait aussi la cuisine une fois par an. Pour chaque Vendredi Saint elle nous préparait sa morue à la sauce tomate. Une fois par an c’est délicieux. Plus qu’être délicieux, c’est un rituel.

L’après-midi elle jouait et rejouait sans cesse les mêmes airs sur le vieux piano inaccordable. La Polonaise de Chopin notamment, en se trompant toujours sur les mêmes notes bien entendu. Lorsqu’on essaye de se concentrer sur les équations-bilan ce n’est pas évident.
Elle cousait mieux qu’elle ne jouait au piano.

L’année de mon CE2, elle me cousit un costume des Tortues Ninja. J’étais Michelangelo avec mon loup orange, ma carapace matelassée et mon nunchaku en papier journal recouvert de cuir noir. J’avais fait fureur dans la cour de récré !

Néanmoins, chaque reprisage de chaussette était sujet au même problème : l’égarement d’aiguilles dans la maison et surtout dans sa chambre. Et lorsqu’on marchait pieds nus dessus, c’était légèrement ennuyeux.
Des aiguilles, des aiguilles partout dans sa chambre.
Vers la fin de sa vie, ce furent les plastiques de patchs qu’on retrouvait toujours quelque part dans un coin de la maison. Je préférai encore piquer la plante de mes pieds sur une aiguille plutôt que de sentir la froideur du plastique médical.

Aiguilles, épingles, ciseaux, bobines de fil.
Bobines de fil que je piquais en cachette pour jouer avec.
Comme le chaton joue avec la pelote de laine, moi je déroulais le fil dans ma chambre. Ariane dans son labyrinthe, moi-même dans ma chambre.
Le fil passait et repassait entre les barres bleues métalliques des lits superposés, à l’angle de mon bureau, sous le ressort de ma lampe d’architecte, sous Les Chevaliers du Zodiaque qui jonchaient le sol, par la poignée de porte…
Le fil cher à Camille envahissait ma chambre. Il devinait extrêmement difficile de l’éviter.
Pourtant il le fallait. Il fallait passer entre si on voulait participer à mon jeu.
Car à la télé ils le faisaient bien : ils évitaient les rayons laser pour l’atteindre.

Pour atteindre la clé que j’avais accrochée au bout du fil.

Le monde merveilleux de TacTac ou la quête du sling (7)

Acte II, scène 2.
Dans un appartement, deux garçons s’embrassent (baaaaah c’est sale !) sur un canapé un peu étroit.

TacTac

Si on allait sur ton lit ?
Le Généticien

Mais on est déjà dessus…
TacTac

Oups…

Acte II, scène 3
Les deux garçons continuent à s’embrasser. Mais le Généticien commence à montrer des signes de fatigue car il doit se lever tôt le lendemain.

TacTac

Je vais faire quelque chose que je déteste.
Le Généticien (visiblement angoissé tout d’un coup)

Quoi donc ???
TacTac (Edith Saphir attitude)

Partir.

Rideau.

« Une pièce de boulevard qui n’a rien d’original. On devine la fin tout de suite. », Philippe Tesson pour Le Figaro.