Un husky sur la banquette arrière

Je lui avais dit oui.
On avait rendez-vous à 22h15 à côté de la Grand’Place. Ca nous laissait le temps de prendre une douche. C’était la deuxième fois que je me lavais dans l’optique de me faire prendre. La première fois ça avait été avant un cours de Maths donné en 5ème par le fils des voisins. Il avait dix ans de plus que moi mais je voulais qu’il m’encule. La pédophilie inversée a un drôle de goût.
Là j’avais 22 ans et l’inconnu du Net 32. Ca toujours été le bon écart pour moi.
Il était convenu qu’il viendrait me chercher en voiture puis qu’on irait chez lui. Qu’il me déshabillerait, qu’il me masserait et qu’on irait peut-être plus loin. Je savais parfaitement tout ce que cela impliquerait, et c’est pour ça que je ne l’ai pas suivi chez lui.

Lorsque sa voiture s’est avancée vers moi, j’y ai d’abord vu le sapin en plastique eu rétroviseur et le husky en peluche sur la banquette arrière. Puis j’ai vu sa chaîne autour du cou et son short enfilé à la va-vite. Le passage à la garde-robe est souvent rapide lorsque les envies sont pressantes.
Je lui ai dit : « J’suis vraiment désolé mais j’le sens pas. J’me sens pas prêt. Je croyais l’être en venant ici et en fait non. En te voyant là, les choses qu’on se disait tout à l’heure sur le Net prennent un autre aspect. Là, ça devient réel ; et ça me fait peur. »

Je ne me souviens plus de ce qu’il a dit ensuite, mais j’ai regardé dans ses yeux, et j’ai eu confiance.
Je suis monté dans sa voiture.

Je l’ai fait s’arrêter dans une petite rue, je me remettais à flipper. Il m’a dit qu’il comprenait, mais je sentais bien que ça le faisait bander à mort de se dire qu’il serait le premier à me péter la rondelle.
J’ai tâté la présence du couteau papillon dans ma poche. J’ai repensé au mot que j’avais laissé chez moi, avec le prénom et les coordonnées de mon rendez-vous nocturne. Au cas où il m’arriverait quelque chose.

Il s’est alors mis à me parler de son ex, qu’il avait du mal à se remettre de leur rupture et qu’ils avaient passé le dernier Noël ensemble. J’ai vu des larmes dans ses yeux. Il a vu de la compassion dans les miens. Et c’est là qu’il a prononcé cette phrase : « Tu m’excites, j’ai envie de t’embrasser. » Ni une ni deux, je lui ai demandé de me raccompagner. Je flippais comme un malade. J’avais envie de me tirer mais le temps d’enlever la ceinture de sécurité il pourrait m’attraper par le bras.
Il a supplié de pouvoir caresser ma cuisse. Des larmes coulaient sur ses joues. J’ai refusé. Il s’est excusé. Je ne l’ai pas pardonné ; il n’y avait rien à pardonner. Je me sentais si mal. Moi aussi j’avais envie de pleurer.

Le Diable écoute Miss Dominique

Mourir une semaine avant de connaître le nom du nouveau président. Ca fait mal au cul tout de même.
Grégory Lemarchal mais aussi Albert Alezra, Michel Fabre, Marie-France Gascon, Geneviève Roger, Henriette Trotot et d’autres noms glanés dans le Carnet du Jour du Figaro. Mais contrairement à Henriette, Grégory aura beaucoup participé à l’élection présidentielle de 2007. Tout comme Jenifer, Nolwenn, Elodie, Turtle et Magalie – euh non pas Magalie, jamais Magalie…

On a beau nous répéter que c’est le traumatisme du 21 avril 2002 qui a poussé les électeurs à se rendre aux urnes pour la dernière élection présidentielle, moi je n’y crois pas.
C’est surtout l’avènement de la télé-réalité qui a habitué les jeunes téléspectateurs à adopter des comportements responsables. Il est vrai qu’élire Magalie Vaé grande gagnante de la Star Academy 5 n’a pas été un geste particulièrement responsable, soit. Mais grâce à la real-TV, c’est une génération entière qui a pris conscience de l’importance de chaque voix.

Difficile d’expliquer les différences entre la gauche, la droite et le centre à Donovanne. Mais si tout d’un coup vous commencez à lui dire que la LCR c’est un peu Magalie Vaé, que la Lutte Ouvrière c’est totalement Steeve Estatof, que la gauche caviar ça ressemble un peu à Elodie Frégé dans sa robe Paule Ka, que l’UDF c’est aussi tiède que Cyril vainqueur de la Star Ac’ 5 et que l’UMP c’est totalement Nolwenn Leroy période dark, et bien là Donovanne comprendra.
Car Donovanne n’est pas con, il est juste un peu… heu… Il n’a juste pas conscience de l’importance de sa voix !

” Pourtant Donovanne, tu te souviens quand Ilyes a été éliminé de la Nouvelle Star avec seulement 17 voix d’écart ? T’étais dégoûté tu te souviens ? Bah là c’est pareil. Si tu veux que ton candidat passe, faut envoyer un SMS et faut motiver tous tes copains pour qu’il puisse chanter au prochain prime !
Chaque voix compte.

Et s’il se fait éliminer, bah faudra que t’acceptes le résultat et que tu supportes les candidats restants pour que la prochaine tournée soit la plus belle. Mais faudra pas abandonner ton candidat préféré pour autant hein ? Regarde Olivia Ruiz, elle n’a pas gagné la Star Ac’ 1 mais au final c’est une des grands gagnantes de la télé-réalité ! Tout ça parce qu’elle a eu des fans qui ont continué à la soutenir et à assister à ses petits concerts à la Maroquinerie ou au Café de la Danse pendant que Jenifer faisait le Zénith. Bah là c’est pareil.

Tu dois accepter la victoire de l’autre même si t’es dégoûté que Jérémy Amelin et sa jolie petite gueule aient perdu en 2005 face à la grosse moche. De toute façon, s’il est vraiment si bon que ça le Jérémy Amelin, bah il réussira à percer – et pas que des boutons. Mais ça, ça ne se fera pas sans toi. Car Magalie a peut-être gagné, mais on ne peut pas dire qu’elle ait réussi.
Mais d’un autre côté Jenifer a gagné, et elle elle a réussi.

Rhalala je sens que ça devient trop compliqué pour ta petite tête Donovanne.
Tout ça pour dire qu’il n’y a pas de règle, et que rien n’est perdu si ton candidat préféré ne reçoit pas le trophée des mains de Pascal Nègre. Continue à le soutenir et tu verras qu’un jour il fera Bercy. Ou pas.

En attendant, laisse chanter Nolwenn Leroy. Tu préférais Houcine mais t’as bien vu qu’il n’a rien fait par la suite. Elle t’énerve ? Change de chaîne. Au final, t’as bien vu qu’Emma Daumas s’en est bien sortie alors qu’elle avait perdu la demi-finale face à Nolwenn.

Rhalala je sens que t’es perdu Donovanne. T’as ton appareil dentaire qui grince comme à chaque fois que tu deviens perplexe. C’est que rien n’est noir ou blanc dans la télé-réalité, et accessoirement dans la réalité. Va falloir y penser. ”

L’homme qui murmurait à l’oreille des Kleenex

Je me suis abîmé les mains à force de les laver. J’avais 14 ans et je n’écrivais que le mot « pureté » dans mes cahiers. Je n’allais pas bien, j’étais ado ; ce sont des choses qui arrivent.
Je me souviens tout particulièrement d’un jour où j’ai ordonné tous les fils du tapis de ma chambre. Pendant un peu moins d’une heure je les ai étirés, jusqu’à ce qu’ils soient bien parallèles entre eux. Il fallait que l’ordre règne dans ma chambre jusque dans ses moindres détails. Je me souviens que mon chat Réglisse me regardait bizarrement à ce moment-là.
Je devais partir à Grenade une heure plus tard. Je n’avais que quatorze ans ; c’est un peu jeune pour être givré.

J’ai troqué beaucoup de tocs de cette époque épique.
J’ai ainsi cessé de ranger mes chaussons perpendiculairement au lit. En revanche mes CD sont toujours rangés par couleur. Un rainbow-flag avant l’heure dira-t-on. Tout comme je range mes paquets de Kleenex dans l’armoire à pharmacie.

Car mon paquet par jour depuis quinze ans m’autorise à des petits plaisirs. Afin de ne pas irriter mon petit nez tout mignonnet trognonnet, je m’offre de délicieux Kleenex aux paquets bleus, rouges et oranges. C’est le Carnaval de Rio in my pocket. Je m’achète bien de véritables Kleenex et non pas de vulgaires mouchoirs en papier. En somme, je suis un vrai bourge de la morve.
Ce qui me pousse tout naturellement à chérir ces petits compagnons du quotidien qui se sacrifient pour ma cause nasale. Finalement, ils me sont bien plus dévoués que certains amis. D’un autre côté, ça me ferait bizarre de me moucher dans les doigts de Muxu Munu. Bref, j’adule tellement ces petits bouts de cellulose qu’il m’arrive de leur parler.

Someone please call 911 !! Vite une camisole ! Turlututu entonnoir pointu !
Non, rassurez-vous, je n’en suis pas encore là. Car je ne tiens pas non plus des débats enflammés avec mes paquets de Kleenex. Non, nous ne dissertons pas pendant des heures de la dernière prestation de Julien à la Nouvelle Star ou du nouveau Patron de la France. Non. Il m’arrive juste de leur sortir de temps en temps une ou deux phrases du genre « Toi, là » ou « Comme ça t’es pas tout seul ».
Car je me préoccupe du sort de mes Kleenex. Je ne tiens pas à ce qu’un paquet bleu se retrouve perdu au milieu d’une horde de congénères oranges. Mon confort psychologique passe par le leur. Oui, c’est plus qu’étrange. C’est limite un comportement de taré je vous l’accorde. Mais je sais également que c’est juste un moyen passager de combler la solitude de mon grand appartement. On en revient toujours à cette maxime pascalienne : « Un roi sans divertissement est un homme plein de misères ».

En outre, depuis que j’ai écrit ce texte, je n’adresse plus un mot à mes petits amis de poche. Qu’importe si j’ai probablement troqué ce toc pour un autre qu’il me reste à découvrir. Car j’observe de loin un garçon qui parle à ses paquets de Kleenex et cela ne m’effraie pas. A la limite, ça m’amuse. Car j’y vois surtout le prolongement logique de conversations tenues par un enfant avec ses nounours.

« Sarah, tu peux nous dire qui a fait du mal à ta maman ?
– Non. J’peux l’dire qu’à Emily.
– Qui est Emily ? C’est ton amie imaginaire ?
– Hum…
– D’accord, dis-le à Emily qui va ensuite me le répéter, d’accord ? »

Vous avez bien reconnu ici le dialogue type d’un téléfilm de M6 : la policière bienveillante qui interroge une pauvre gamine témoin du meurtre de sa maman par un dangereux serial killeur. Et bien pour moi c’est pareil. Et je dirais même que pour tout le monde c’est pareil.
Que l’on se confie à son nounours, son journal intime ou son blog, nous avons tous notre Emily. Et il se trouve qu’elle prend l’apparence d’un paquet de Kleenex chez certains. Et oui, face aux télévisions les dieux ont la vie dure dans la société de consommation.

Grégory Lemarchal est mort

TacTac : C’est affreux cette histoire…
Marie-Cécile : Oui, c’est triste.
TT : Et puis surtout pour toutes ces petites filles qui ont voté pour lui.
MC : Elles s’en remettront. Elles ont vu Le Roi Lion ; elles ont conscience de la mort.

TacTac : Allo Maman ? Grégory de la Star Ac’ est mort.
Maman : Non ?? C’est affreux ! Mais ça veut donc dire qu’il était vraiment malade !!
TacTac : …

A vous parler de Maggy

C’est parce que je la vois parfois dans la rue que je l’écris. Une blonde en débardeur avec un gilet sur les hanches. Au détour d’une vitrine, d’un scooter ou d’une gare, Maggy me suit.
Nous avions très mal commencé pourtant – ce qui est très bon signe chez moi vu que j’ai commencé par détester de très bons amis.

Nous étions invités à la même soirée ; elle se trouvait sur un balcon, moi en dessous. Une bouteille de bière est alors venue s’exploser sur le sol à dix centimètres de ma tête. J’ai cru que j’allais la tuer. On n’entendait plus la musique sous mes hurlements. Je criais encore plus fort que JoeyStarr dans sa Zoum-Zoum-Benz. Personne ne m’avait jamais vu comme ça.
C’est pourtant comme ça que j’ai rencontré Maggy.

Je l’ai revue pour la deuxième fois le jour de la rentrée en Prépa. Personne ne se connaissait alors et s’exprimait avec parcimonie. C’est ce moment que j’ai choisi pour aller lui parler devant tout le monde :
« C’est bien toi Maggy ?
– Heu oui… (Elle ne se souvenait visiblement pas de moi.)
– C’est bien toi qui étais complètement bourrée à l’anniversaire de Stéphane et qui m’a balancé une bouteille de bière à la gueule alors ?? »
Tout le monde se mit immédiatement à dévisager cette jeune fille violente et alcoolique. Maggy se mit à rougir et aurait voulu s’enterrer six feet under.
Sa réputation était faite ; j’étais très fier de ma vengeance.

Je n’ai jamais pu supporter mes camarades de Prépa malgré mon caractère plutôt sociable. Chaque dimanche soir était propice à une profonde dépression où s’entretuaient les formules de Bayes avec les têtes de cons de ma classe. C’est à cette époque que j’ai le plus haï mes dimanches. Seuls mes sentiments pour Anne me poussaient un tantinet à retourner en cours le lendemain matin.
Jusqu’à ce que je sympathise avec Maggy.

Maggy c’était la fille qui explosait de rire en plein cours et que tout le monde prenait pour une conne. Parce qu’elle ne pouvait tout de même pas expliquer raisonnablement au prof qu’il venait de faire la pose « Staying’ alive » en posant une main sur sa hanche et en montrant du doigt une formule au tableau. Non, « ça ne l’aurait pas fait » comme on ne le disait pas encore à l’époque.
C’est à partir du moment où j’ai raconté la blague de la biscotte beurrée et du chat beurré qu’on balance par la fenêtre que nous avons sympathisés. Nous avons alors découvert l’un comme l’autre que nous méprisions les gens de notre classe – le mépris est le pire sentiment que je puisse éprouver sachant que la haine ne m’atteint que très rarement. Nous avons alors découvert l’un comme l’autre que nous nous moquions tous les deux dans notre tête des gens qui la composaient, et cela pour les mêmes raisons. Constance et ses « fait trop ‘ièche ‘ », Julien et ses chemises « Country-Club », Raphaëlle et ses positions « fleur de lotus », tout était propice à moquerie. Et c’est pourquoi notre amitié reposerait jusqu’à la fin sur le cynisme.

Nous avons tous les deux choisi d’intégrer la même école de commerce à la fin de notre Prépa. C’est alors elle qui m’a hébergé le temps que je trouve un appartement, et c’est avec elle que j’ai assisté à la chute des deux tours jumelles. « Je peux pas y croire c’est comme dans un film c’est pas possible ! » C’est aussi avec elle que j’ai monté une liste du Bureau Des Elèves et que j’ai gagné les élections qui feraient de nous les stars de l’école. C’est également avec elle que j’ai dormi trois heures quarante-cinq en quatre jours et que j’ai pleuré en regardant Nolwenn chanter Piensa en mi avec Luz Casal bourrée. Mais c’est surtout avec elle que j’ai pleuré cinq heures au téléphone lorsque je lui ai avouée que j’aimais les garçons et que je me trouvais allongé de nuit sur une route de campagne. Ca marque ces choses-là. Parce que je l’aimais, Maggy.

Je parle d’elle au passé car Maggy et moi ne nous parlons plus. Nous prenons indirectement des nouvelles de l’autre par un ami commun et ça s’arrête là. Car l’amitié a ses frontières comme tout amour. Car l’amitié détruit un cœur comme toute relation. Car Maggy et moi nous nous aimions plus que de raison ; sans être un couple.
Et sans avoir la même conception de l’amitié.

J’ai longtemps hésité à écrire ces lignes car j’ai longtemps hésité à écrire son vrai prénom.
J’ai longtemps hésité à écrire ces lignes, même si c’est elle que j’ai voulu appeler en premier après l’avoir dit à ma famille.
Sans le faire.

Si ces mots lui parviennent, je pense qu’elle saura y lire quelque chose de bon. Parce que oui on peut rayer quelqu’un de sa vie mais il en reste toujours une trace. Et plus que les pincements au cœur quand je crois la revoir, restent en moi les ridules de nos fous rires. De beaux restes en somme, de beaux dégâts.

Aujourd’hui, seul reste d’elle mon pseudonyme. Car TacTac c’est elle.
Et c’est pour ça que je tenais à vous parler d’elle, à vous parler de Maggy.

Mon boss et l’informatique

” Faut arrêter de faire du papier-coller !!! “

” Qui a changé sur mon ordi le code de passe ???? “

” Vous me le faîtes pour quand alors le site en langage SMS ?? “

“Venez, on va faire un check-op. “

TacTac : Quelles sont ses compétences ?
Mon Boss : Elle est bilingue Français-Anglais, elle est très très douée sur Word…

” Comment on dit PDF en Anglais ? “

Boss : Regardez Véronique mon nouveau portable comme il est beau ! Il a un claquet !
Véronique : Un claquet ? C’est super ça !
Boss : Et je peux même envoyer des SMS avec !!
Véronique : Génial !!

Les cages dorées

Peut-être vous souvenez-vous que je partage la phobie des boutons avec mon grand-père maternel que je n’ai jamais connu. Ce n’est pas que la seule manie que nous ay(i)ons en commun. Nous détestions et détestons les bijoux pour hommes.

Je n’entends pas par là les bagues pour pouces et les pendentifs plaques militaires façon Lukas Delcourt car il n’y avait pas encore de H&M à Barcelone quand mon grand-père était en vie. Je parle plutôt des chaînes de baptême et des alliances en tout genre.
D’ailleurs, par le plus grand des hasards (Thierry ?), mon père déteste également les bijoux pour hommes et a très peu porté son alliance. Non pas pour aller draguer de la strip-teaseuse dans un club miteux comme ces hommes mariés dans les téléfilms US de M6, mais parce qu’il ne peut plus porter de bague à l’annulaire droit depuis qu’il s’est blessé en ouvrant des huîtres – rappelez-vous que les hôpitaux regorgent de blessures aux huîtres et de bouchons de champagne dans l’œil pendant les fêtes de fin d’année.
Mon papa pourrait porter son alliance à l’autre main ou à un autre doigt me direz-vous. « Oui mais ça se porte pas à un autre doigt et des bijoux à la main gauche ça fait pédé. » Mon papa c’est l’plus fort : il a toujours réponse à tout !

Sauf quand il se voit offrir une chaîne de baptême par sa tante germaine par alliance (ça existe ça ?). Et c’est difficile de refuser de la porter lorsque la personne qui vous demande de le faire est mourante. Voilà pourquoi mon père porte constamment autour du cou une chaîne qui fait bling-bling comme le collier de notre chat Réglisse. D’ailleurs je les confonds parfois au loin dans la maison familiale :
« Bling ! Bling !
– Réglisse ? Chiquitin’ ! Miou miou ! Poutipouti ! Viens ici mon beau !!
– Heu non, c’est Papa.
– Ah. »

Mon papa c’est l’plus fort et il pense d’abord à sa famille. C’est pour ça que je l’aime. Et aussi parce qu’il a acheté le dernier Arcade Fire et qu’il a proposé de me le graver. Et ma maman elle adore No Doubt mais ça c’est une autre histoire.

A moi ma grand-tante m’a donné de l’argent sur son lit de morte pour que je m’achète une belle montre. Mais je ne l’ai pas encore fait 9 ans après.
Je ne supporte pas les bijoux pour hommes, c’est plus fort que moi. J’ai alors l’impression d’être aliéné. Le contact froid sur ma peau. Une montre comme menotte, une chaîne comme strangulation, je deviens alors esclave dans une cage dorée. Mais je sais bien qu’un garçon me donnera un jour sa clef pour que je puisse m’en échapper.

3 façons de sortir en boîte de conserve

Lorsque nous sortions en boîte avec Stéphane et Mickaël, nous avions trois façons d’envisager la soirée.

3 CDs dans le lecteur de la Cherokee :
Blink 182 pour Stéphane, le Best of de Phil Collins pour Mickaël et Ray of Light pour Bibi (rien à voir avec la chanteuse de Tout doucement, d’ailleurs ça ne s’écrit pas de la même façon).

3 tenues dans le coffre :
Jeans et t-shirts moulants pour entrer au Queen ; chemises, vestes et chaussures de ville pour les Planches et le Duplex ; et tenue normale pour le Metropolis et la Loco.

3 tactiques pour ne pas se faire refouler à l’entrée des boîtes :
Pour entrer aux Planches il fallait former des groupes de 2 filles + 1 garçon. J’étais donc chargé d’aborder la gente féminine esseulée à l’entrée de la boîte. Je devais leur demander s’il était possible d’entrer avec elles comme si nous les connaissions. Curieusement, elles acceptaient presque toujours ma proposition décente ne se sentant probablement pas agressées par le garçon que j’étais.
Devant le Queen, c’est également moi qu’on chargeait de la tâche la plus délicate. En effet, je paraissais plus frêle et sensible que mes deux compagnons. Idem devant le Duplex où je devais inspirer confiance au physio avec ma Breitling au poignet et mon profil que certaines personnes mal informées confondent avec celui d’un Feuj’ – la ressemblance est ailleurs. Le videur du Duplex s’inclinait alors devant TacTacStein et ses amis. La vérité si je mens !
Quant à la Loco et au Métro, aucune stratégie. Comment trois jeunes Versaillais comme nous pouvaient-ils se faire refouler d’une boîte où l’on passait du Mylène Farmer et du Patricia Kaas ?

3 façons de parler aux filles :
Stéphane tout en compliments improbables dont raffolent les gonzesses. Ca ne parlait jamais bien longtemps avec lui.
Mickaël avait quelqu’un qui l’attendait à la maison. C’est donc du regard qu’il communiquait avec les femelles. On touche avec les yeux !
Quant à moi, je parlais trop. « D’où tu viens ? Tu fais quoi ? Ce sont tes amis ? Tu veux un boire quelque chose ? Non non ça ne me dérange pas de payer 70 balles une vodka-orange avec que de l’orange… Et donc tu es une des organisatrices de la soirée ? Tu fais de la danse classique ? Ca doit t’aider à être souple… Le DJ c’est ton copain ??? »

3 façons de danser :
Mickaël comme un vrai garçon dans le sketch de Florence Foresti. C’est-à-dire pas du tout en rythme avec toujours les deux ou trois mêmes mouvements.
Stéphane préférait ouvrir sa chemise et montrer fièrement sa chaîne en or en transpirant bien fort.
Pendant ce temps-là, je me tenais un peu à l’écart de ce spectacle tellement j’avais honte d’eux.

Mais une fois éjectés de la boîte, la bière à la main devant le soleil levant versaillais, je pouvais à nouveau me montrer fier d’eux. Fier de partager avec eux une seule et même vision de l’amitié.

Spice World

Mon frère a cuisiné un jour en 1994. Il nous avait dit : « Je vais faire un poulet à la Louisiane ». Aucune idée de que ça pouvait être, mais Maman avait acheté ce qu’il y avait écrit sur la liste du frigo. « Et n’oublie pas le piment ! ».
Car pour être pimenté, c’était pimenté !
Seul mon frère parvenait à distinguer une once de goût dans ce qui était censé être du poulet. Mes parents et moi-même avions la langue qui avait triplé de volume. Nous déposâmes les armes des papilles à la première bouchée. Mon frère avait gagné : il ne cuisinerait plus jamais à la maison.

Les seules fois où mon frère est entré à nouveau dans la cuisine familiale furent pour préparer la sauce de la salade. Une sauce trop moutardée à mon goût. Mais à la limite, à choisir, je préférais la sauce de mon frère à celle trop vinaigrée de mon père et à celle trop huileuse de ma mère qui ne réussit pas à renier ses origines espagnoles jusque dans son coup de poignet.

En dehors de la sauce trop moutardée de mon frère, ma langue peut également s’enflammer pour l’huile des pizzas et le wasabi – parce que ça impressionne les petits pédés chez le Japonais. Mais en dehors de ces trois aliments, le moindre goût relevé déclenche en moi de curieuses réactions.

Demandez donc à Coloca ce qui m’arriva au KFC de Bangkok – le seul KFC au monde où il n’y a pas un seul Black. Je commandais un sandwich au poulet frit en pensant qu’il était identique à celui des Halles – autrement dit dégueulasse. Que nini ! Zobi la mouche ! Mon front se mit à perler, mes yeux à pleurer et mes cernes commencèrent à se recouvrir de petits points blancs. La tablée de petits Thaïs était hilare en voyant le Blanc ne pas supporter un sandwich ; eux qui croquaient à pleine dents des piments dragons dés leurs 3 ans.
Ce jour-là, je finis mon repas par une glace à la vanille.

Mais ça, ce n’est que le premier effet piment, car il y en a un second que tous les backpackers connaissent bien.

« Heureux qui comme Ulysse. » Ouais, si on veut. Car Ulysse c’est quand même le premier grand voyageur que la terre ait connu. Mais l’Odyssée ne dit pas s’il était encore heureux lorsque ses intestins criaient misère. A côté, le chant des Sirènes c’est de la gnognote c’est moi qui vous l’dit. Et encore, il n’est pas allé jusqu’en Thaïlande lui. Car il n’arriverait à personne d’autre ce qui m’est arrivé sur la plage de Koh Samui ce soir-là.

Nous profitions d’un repas de rois sur une plage au clair de lune avec Colica et sa soeuretta. Cocktails et autres breuvages dionysiaques, seafood et autres traquenards gustatifs, lorsque je sentis un Alien dans mon ventre. Mon visage se mit alors à suinter et mes intestins à se tordre dans tous les sens. Turista, turista, elle danse tous les soirs pour les touristes du coin quoi ne pensent qu’à boire. Oh Turista !
Et toiletta.

Oh my Buddha ! Mais où donc se trouvaient les lieux d’aisance dans ce restaurant ? A croire que dans ce genre de paillote, personne ne ressentait le besoin de se rendre aux commodités. D’un autre côté, dans Sous le soleil ils ne vont jamais aux te-chios…

Les toilettes se trouvaient de l’autre côté de la piscine. Pour s’y rendre, il fallait affronter une meute de chiens affamés. Ou plutôt trois pauvres sacs à puces qui ressemblaient à rien, mais je suis un peu Marseillais dans mes exagérations veuillez m’excuser.
Revenons à nos bichons : face à moi siégeait une horde de guerriers canins assoiffés de sang, ou de Thaï-Canigou en tube, au choix. Votre humble serviteur décida alors de traverser courageusement cette épreuve porté par les ailes de l’espoir, ou de la chiasse – « une bonne chiasse c’est une purge à pas cher ».
Mais en passant à côté de l’un des chiens, je sentis une pression sur mon jean. Non, pas derrière, je sais me retenir quand même, mais sur le mollet plutôt. Un de ces foutus clébards était en train de me bouffer la jambe !
Et c’est qu’il ne lâchait pas prise le bougre : « Tu vas me lâcher oui saloperie ?? ». Il me tenait la jambe alors que j’étais sur le point de me vider de toutes les entrailles. Et comme Matt Dillon dans Mary à tout prix, je me débattais avec un clebs pouilleux qui n’en démordait pas. Definitely Susan Mayer attitude.

La suite importe peu puisque je réussis à rejoindre mon trône. Et comme dans la blague de Toto aux toilettes, vous n’en saurez pas plus car la porte était fermée à clef.