La ligne 14 (9/16)

Il pleuvait. Non pas une fine pluie romantique, mais de sacrées hallebardes d’enculés. Et c’est par ce temps idyllique que je courais. Je courais vers mon destin, tel un cheval sauvage, tout ce que vous voudrez, mais en tout cas je transpirais. Je courais toutefois pas trop longtemps jusqu’à la plus proche station de tromé. Debout, compressé dans la rame, je bénissais cette idée que j’avais eu de faire imprimer un manuscrit en rab : c’était désormais vers lui que je courrais pour ensuite aller le remettre en main propre à mon éditeur préféré. Debout, compressé dans la rame, je me disais qu’il allait également falloir que je fasse un brin de toilette en arrivant chez moi, et bien évidemment me changer.

J’arrivais chez moi. Allez hop, sens des priorités : l’élégance même dans l’urgence. Douche, auscultation des poils de nez, brossage des dents, déodorant, parfum projeté. Chemise blanche et pull panda ? Il fallait que je me présente élégant, mais également comme l’original que jusqu’alors j’avais été. Ce serait donc chemise blanche et pull panda. Et quant aux choses vraiment sérieuses ? Le manuscrit restant était bien rangé en évidence sur mon bureau et je trouvais cela finalement bien trop facile. Mais oui : il me fallait l’accompagner du petit rond violet signalétique imprimé de la ligne 14 ! Et puis tiens pendant qu’on y était, de l’envoi de la ligne 8 jamais reçue par Flammarion. Je prenais donc un bout de carton d’emballage de pizza et y écrivait grossièrement « Svp donné-moi (dessin d’une maison). Quant aux petits ronds colorés des lignes 8 et 14; j’étais un peu embarrassé : je n’avais pas d’imprimante chez moi. Ni une ni deux, pour 8 et 14, je transférais le fichier image sur une clé USB et verrais cela chez Copy-Top – qui a involontairement sponsorisé cette histoire.

Le temps pressait, je commandais un taxi. Comme toujours dans ces cas-là, le taxi se fit attendre – car si cette histoire s’était passée dans une autre capitale que Paris, il aurait suffit que je lève le bras pour qu’un taxi s’arrête – bref, passons. « Je vais à Bibliothèque François Mitterrand. » Il y avait un Copy-Top pas loin, j’avais vérifié sur Internet. Manque de bol ce jour-là, des embouteillages monstres infectaient Paris ; peut-être uniquement des livreurs de fleurs et de chocolats en cette Saint-Valentin. Qu’importe, il fallait que je me dépêche et que j’adopte un rythme différent de celui d’alors : 300 mètres en un quart d’heure. La mort dans l’âme je remerciais le chauffeur à qui je payais une petite fortune pour les 300 mètres parcourus, et courais sous la pluie jusqu’à la station de métro la plus proche.

« Mon récit se déroulant dans le métro, il fallait tout logiquement que cette histoire se finisse dans le métro », pensais-je avec un sourire en coin. Ironie de ma vie.

La ligne 14 (8/16)

Le jour J arrivait et, de derrière mon écran où je me terrais, je me demandais parfois si C. avait entendu parler de tout cela. Si parmi les milliers de personnes qui avaient été exposées à l’histoire des « envois du métro », un de ses amis, un de ses collègues en faisait partie. Un ami ou un collègue qui lui en aurait parlé autour d’un verre ou d’un café, qui aurait commenté une des photos et qu’il l’aurait faite apparaître dans son télex Facebook en le questionnant l’espace d’un instant sur l’identité de ce mystérieux expéditeur. Je savais bien que les chances que ce fusse le cas soient infimes, mais tel était le genre de raisonnements qui dans mon lit me travaillait. Comme si j’avais fait tout cela pour que C. le voie, et ne m’oublie pas.

Le jour J était arrivé. Je m’étais levé plus tôt en ce jeudi 14 février 2013 : j’avais 16 colis à envoyer. Je pris quelques dernières photos devant La Poste et expédiais mes 16 volumineux colis via les sacs de postiers que l’on m’avait gentiment prêtés. Ces derniers jours, estimant que tout était plus ou moins joué, j’avais fini par lâcher le morceau à mes amis les plus proches. Tous hallucinaient. Moi, j’avais fini par m’habituer à ce quotidien de postier : j’attendais juste ce 14 février. J’avais hâte de savoir si la révélation de mon identité et de mes coordonnées sur les manuscrits pousserait le jour-même les éditeurs à m’appeler. Ou si, vicieusement, ils attendraient de faire lire à leur comité de lecture mon récit comme pour des milliers de manuscrits oubliés. En tous cas, j’étais certain qu’au moins un des éditeurs allait se manifester.

Les manuscrits était désormais envoyés. Je les imaginais sur d’obscurs tapis roulants de centres de tri postaux véhiculer. Je les imaginais depuis mon lieu de travail d’où j’avais encore plus de mal que les autres jours à travailler. Je n’en foutais pas une en attendant impatiemment de recevoir la première notification de réception de colis grâce à une application iPhone dédiée que j’avais tout spécialement installée. Mon smartphone vibra : « Grasset. Colissimo délivré. » Et ainsi de suite mon smartphone vibra toute la matinée, les colis pleuvaient. Je les imaginais, tous, les éditeurs, intrigués de découvrir mon identité. Je les imaginais, tous, à chaque fois que mon smartphone vibrait dans la matinée : 15 fois il vibra. 15 fois ? 1, 2, 3, 14, 15. Oui, bien 15 colis livrés ! Mais quel était donc celui qui à l’heure du déjeuner n’avait pas encore été livré ? Non ? Pas lui quand même ? Et bien si, le seul manuscrit qui n’avait pas été livré était celui destiné à mon Editeur préféré, au seul qui s’était manifesté durant ces dernières semaines : seul Flammarion n’avait pas reçu le manuscrit.

Sur la page Facebook de l’Editeur, « le public » s’impatientait : tout le monde y avait fini par comprendre que le dernier envoi arriverait le 14 février et que ce choix portait en lui une signification. « Rien pour le moment ;-(  » répondait laconiquement l’éditeur à ceux qui s’inquiétaient de l’absence du dernier envoi. Il était désormais près de 14h et Flammarion n’avait toujours rien reçu. Je pourrissais La Poste au téléphone, elle qui garantissait la réception des colis le lendemain avant 13h. J’étais catastrophé et avait de plus en plus de difficultés à le cacher à mes collègues devenus transparents pour moi.

Vers 15h passées, mon téléphone vibra. J’ouvris prestement l’application Colissimo et découvris le message suivant : « Votre colis a été retenu au centre de tri postal de Montfort-l’Amaury. » « Non ! », m’écriais-je dans l’open space. Tous mes collègues se tournèrent aussitôt vers moi. « J’ai une urgence personnelle, je dois absolument y aller ! », enchaînais-je avec conviction. Mes collègues ne trouvèrent rien à ajouter, me trouvant particulièrement affecté. Seul un timide « Bon courage » s’éleva. Du courage j’allais en avoir besoin vu la journée qui ne faisait que finalement commencer.

La ligne 14 (7/16)

Lors de mes précédentes opérations de RP digitales, j’utilisais un outil particulièrement efficace pour calculer leurs retombées médiatiques ; un outil qu’à l’exception de Nadine Morano et de Christine Boutin nous maîtrisons tous : les réseaux sociaux. Je commençais donc à scruter les comptes Twitter et Facebook ouverts des 16 éditeurs à qui j’adressais mes envois. Toutefois, et du fait peut-être de leur âge moyen, très peu des éditeurs concernés s’exprimaient à titre personnel sur la toile. A l’exception d’un. A l’exception d’un qui, non, serait-ce possible ? Moi ? Là ? Ca ? Un tweet sur ça ? #LeMystèreDuMétro C’était moi ça ! Une photo. Je cliquais. Non ? Ca ne pouvait être vrai : le Directeur Littéraire de Flammarion – la maison d’édition de Michel Houellebecq – avait photographié mes quatre premiers envois et en avait posté l’Instagram sur son compte Twitter avec le commentaire suivant : « Un pronostic pour l’enveloppe de demain ? »

Victoire ! Mes envois avaient fonctionné et un des Directeurs Littéraires d’une des plus grandes maisons d’édition françaises s’y intéressait. Je ne pouvais pas être plus heureux en ce 28 janvier. Et qui plus est, il postait les photos de mes envois tous les jours sur son profil Facebook ouvert à tous. Les likes et les commentaires abondaient : « C’est génial ! », « Jubilatoire ! », « C’est hyper excitant ! », « Très Sophie Calle » (j’étais particulièrement interpellé par ce commentaire vu que les installations de Sophie Calle avaient été une évidente source d’inspiration au moment de photographier mes envois). Les théories également y abondaient : « C’est un Serial Killer », « C’est une écriture de vieux. Méfie-toi ! », « C’est plutôt une femme je pense », « C’est un plan drague », « C’est la soeur de mon ex, je reconnais son écriture ! », « Coucou le psychopathe ! »… Tout le monde se prêtait au jeu, et moi, tapis dans l’onbre de mon écran d’ordinateur, j’étais des plus heureux.

Les jours passaient et les envois pleuvaient. Et bien qu’aucun autre Directeur Littéraire concerné ne s’était manifesté sur le Web à ce sujet, celui de Flammarion régulièrement ses photos continuait-il à poster. Quand je postais mes lettres, lui postait ses photos. Moi-même j’avais une folle envie de commenter ses photos, surtout en ce dixième jour où il publia l’envoi de la ligne 9 à la grande surprise de son public de « friends » qui lui demanda où était passée la ligne 8 : il ne l’avait pas reçue.

J’étais dégoûté. Mon entreprise entière s’était effondrée. Comment un envoi avait-il pu se perdre par La Poste ? Et si c’était le seul envoi concerné parmi les 256, pourquoi fallait-il que cela tombe sur le seul éditeur qui communiquait sur mes envois ? J’étais extrêmement déçu. De plus que l’envoi relatif à la ligne (une pièce de monnaie) perdait tout son sens sans celui de la ligne 8 (un carton de mendicité).

Les jours passaient et la fin de l’opération approchait. J’étais allé chez Copy-Top imprimer mes 16 manuscrits + 1 pour le garder en souvenir, et les rapportais du travail à chez moi en traversant tout Paris avec une énorme valise. Je me renseignais sur le meilleur moyen pour que les manuscrits arrivent bien a destination le 14 février. « Non pas le 13, ni le 15, mais vraiment le 14 », expliquais-je aux employés de La Poste hallucinés. « Mais c’est pas mieux si le destinataire les reçoit un jour avant ?

– Non, je veux qu’ils les reçoivent le 14 février précisément ! », m’égosillais-je. « D’accord, il faut prendre des Colissimo dans ce cas. C’est 25 € l’envoi. » Il y avait 16 colis, je vous laisse calculer le prix.

La ligne 14 (6/16)

Un tel secret gardé pour soi s’avérait forcément être d’une grande frustration les premiers jours. Et des tas de questions me taraudaient : et si les secrétaires des éditeurs venaient à jeter mes courriers à peine ouverts ? Non, au pire elles ne se débarrasseraient que des premiers et comprendraient rapidement qu’il y avait un intérêt à les garder ; qui plus est, elles étaient toutes scellées à l’arrière par un tampon du logo de la RATP fabriqué et commandé sur Internet pour l’occasion. Et si les courriers n’arrivaient pas dans le bon ordre ? Et si certaines enveloppes arrivaient par deux le même jour ? J’avais normalement tout méthodiquement calculé pour que le timing soit parfait.

Non, ma véritable hantise ne résidait qu’en un seul point : que personne ne prête attention à mes efforts.

La ligne 14 (5/16)

A la fin janvier, le moment était venu de poster les premières lettres consciencieusement numérotées. La terreur était palpable sur mes mains légèrement pétrifiées : je savais que mon approche serait jugée comme impertinente de la part de certains éditeurs, mais si parmi les 16 je ne pouvais en interpeller qu’un, alors j’aurais gagné.

Je photographiais les enveloppes juste avant de les glisser dans la boîte aux lettres, puis je les jetais par lot de 16 : je ne pouvais désormais plus faire marche arrière. Je répétais le geste le lendemain avec le deuxième envoi dans une boite aux lettres d’un autre quartier parisien – je ne tenais pas à révéler d’indices sur mon identité via les tampons sur les enveloppes. Je n’en étais pas  à enfiler des gants Mapa pour dissimuler mes empreintes digitales, mais presque. Mon entreprise se devait d’être secrète pour rencontrer le succès. La moindre fuite viendrait à ruiner le fruit de longs mois de travail, et même d’années si l’on venait à parler de l’écriture même du manuscrit. C’est pour cela qu’en dehors de moi-même personne n’était au courant de ce projet, pas même un ami, pas même un membre de ma famille : personne.

La ligne 14 (4/16)

De longues soirées étalées sur de longs mois furent nécessaires à cette préparation. Car, notamment 256 adresses manuscrites à écrire, cela prend du temps. Sans compter les timbres à lécher… Et il fallait se dépêcher, car je tenais absolument à ce que le seizième envoi soient reçus par les éditeurs le 14 février : 14 comme le nom de la dernière ligne, 14 février comme le jour sur lequel se déroule le récit, et 14 février 2013 comme le jour tant redouté.

Le timing se devait d’être parfait.

La ligne 14 (3/16)

Le concept fut rapidement trouvé : puisque mon récit tournait autour du thème du métro, il fallait également que l’opération se concentre sur ce sujet. Combien y avait-il de lignes de métro à Paris ? 16. (De 1 à 14, plus les déconsidérées 3 bis et 7 bis.) J’allais donc contacter 16 éditeurs. Sur 16 jours. Et tous les jours j’allais envoyer à ces 16 éditeurs un petit objet relatif au métro ou au récit. Ainsi pour le premier jour, j’allais simplement envoyer le numéro de la ligne 1 imprimé et découpé dans son cercle jaune avec un billet de métro non composté : pour un premier envoi anonyme ce serait une adéquate invitation au voyage. Pour le deuxième jour, le rond bleu de la ligne 2 accompagné d’un plan de métro. Et ainsi de suite avec le reste des lignes, tous les jours les ouvrés de la semaine, avec journaux gratuits du métro, timbres fabriqués pour l’occasion avec plan du métro parisien dessus, autocollants du lapin rose de la RATP, plumes de pigeons, ou bien encore prospectus de marabouts. Jusqu’à même faire de faux pass Navigo avec la photo et le nom de chaque éditeur pour le quinzième jour, car le seizième viendrait le manuscrit, le précieux manuscrit.

La ligne 14 (2/16)

Il traînait dans un tiroir de mon disque dur externe depuis plus d’un an, rejeté comme un enfant qu’on aurait préparé pendant des années à un concours et qu’on sortirait au moment jugé parfait. Je ne voyais plus comment le perfectionner, à moins de le déconstruire totalement. J’avais pourtant déjà déplacé et replacé toutes les virgules et les points-virgules qui le cimentaient : il était temps aux éditeurs de le montrer. Toutefois, si j’ai bien tiré une leçon de l’envoi de mon premier manuscrit lorsque j’avais 18 ans, c’est que son envoi à l’aveuglette, sans contact nominatif particulier est comme le jet d’une bouteille à la mer : peine perdue en temps, énergie, espoir et autres grandes aspirations qu’en chacun de nous on peut porter. À dix ou quinze manuscrits reçus chaque jour par un éditeur parisien, comment faire pour émerger de cet océan de manuscrits qui restent pendant de longs mois empilés plein de poussières dans une pièce obscure à double tour fermée ?

A cette époque je travaillais dans une petite agence Web dans laquelle je mettais entre autres en place des opérations de RP digitales. Certaines de ces opération reposaient sur des envois teasing à des blogueurs dits influents ou à des sites très fréquentés. J’appréciais beaucoup faire cela, cela stimulait mon imaginaire pour lequel j’étais en plus payé. Et surtout : je faisais cela bien. Plusieurs des projets que j’avais conçus s’étaient en effet retrouvés sur ces sites de « buzz » que nous adorons détester. J’étais donc plutôt doué pour ce que je faisais dans mon travail, et surtout : cela me passionnait. J’en arrivais donc vite à cette conclusion par une nuit le nez collé à l’oreiller : pourquoi ne pas rassembler mes deux passions dans un seul mouvement ? Pourquoi ne pas vendre mon manuscrit aux éditeurs sous la forme d’une opération de RP digitale ? J’en restais moi-même « bouche A » ; je me renseignais vite et découvris que personne n’avait jamais fait cela ici-bas. Je serais donc l’initiateur et mon manuscrit serait le premier sur la pile des manuscrits oubliés : les éditeurs seraient même impatients de le dévorer. J’aurais au moins eu une idée de génie si mon manuscrit n’était pas ainsi considéré.

Il ne manquait plus désormais qu’à trouver pour l’opération le format approprié.

La ligne 14 (1/16)

Le 14 février 2012,  je n’étais pas célibataire. Et comme cela était un événement en soi, je l’appréhendais énormément, d’autant plus que nous étions au tout début de notre relation avec C. : devions-nous fêter la Saint-Valentin ? « Nous improviserons. », avait tranché C. Improviser, c’était ce que nous avions jusqu’à présent fait. Cocktails et « Pied de Cochon » pour nocturne dîner, confessions de la part de C. qui ne nous avait jamais autant rapprochés : pour moi, le Parfait avait improvisé la plus parfaite des soirées.

Le 14 février 2013, j’allais être célibataire. Et cette date, je l’appréhendais encore plus que la précédente année. Comment s’extraire du temps qui passe, échapper aux dates redoutées qui avancent vers nous comme des missiles apprivoisés ? En tentant de contrer l’inexorable, de se rendre plus intelligent que ce qui ne l’est pas. J’allais donc transformer ce jour redouté en la plus belle journée qui soit, en une journée célébrée. Mais qu’est-ce qui pouvait me rendre aussi heureux que d’aimer et de me sentir aimé, qu’est-ce qui pouvait m’épanouir autant et au final moi aussi me célébrer ? La réponse vint comme une évidence : voir mon manuscrit publié.

2013 en chansons

À l’époque où j’écrivais sur feu Coquecigrue.net, je rédigeais chaque 31 décembre un billet sur les chansons de l’année. Ce n’était pas forcément un classement qualitatif, mais plutôt l’établissement d’une liste avec pour chaque mois le titre que j’avais le plus écouté ou auquel était rattaché un souvenir particulièrement marquant. Si j’ai cessé de publier ce classement pendant quelques années, je n’ai jamais cessé d’ajouter à la fin de chaque mois un nouveau morceau à ma playlist iTunes annuelle. Ainsi pour avril 2010, on retrouve « Paradise Circus » de Massive Attack, douceur amère associée au décès libérateur pour ma grand-mère. En 2011, c’est « Shake it out » de Florence and the Machine qui clôturait l’année avec un week-end à Londres qui se révéla être « darkest before the dawn ». En février 2012, ce fut « Silence » des Ting Tings pour ce mois durant lequel je n’avais pas besoin de musique tant ce que je vivais me suffisait. Oui, je n’ai jamais cessé de penser que la musique rythmait mes journées. Alors, sur quelles chansons mon année 2013 a-t-elle dansé ?

 

Janvier : « Skyfall », Adele.

 

Parce que les flocons de neige tombant du ciel n’ont jamais été aussi étincelants qu’avec Adele dans les oreilles. Et que j’avais besoin de me concentrer sur quelque chose de beau autour de moi alors que tout était laid, à l’intérieur, dans mon corps, au fond de moi.

Février : « Golden Baby », Cœur de Pirate.

 

Parce que j’avais moi aussi envie de chanter « Golden Baby, c’est est assez » au beau blond qui m’avait tellement détruit mais tellement reconstruit. Mais heureusement qu’il ne suffit pas d’écouter une chanson en boucle pour le vouloir et le pouvoir. Parce que grâce à mon Golden Baby j’avais connu un incroyable 14 février l’année précédente et que grâce à lui j’en provoquais un nouveau le 14 février 2013.

 

Mars : « Cyclo », Zazie.

 

Parce que mon boulot me rendait dingue et que mes illusions professionnelles s’effondraient en travaillant pour un escroc. Parce que traverser tous les jours Paris pour absolument n’avoir rien à faire de mes journées me rendait cyclothymique.

 

Avril : « Try », P!nk.

 

Parce qu’il fallait remonter en selle, faire avec ce que j’avais et continuer à essayer. Parce que si je ne faisais rien au travail alors j’allais en profiter pour faire plein d’autres choses,  partir au Canada, recoller les pots cassés avec lui, avec elle, travailler sur un nouveau roman qui ne serait pas cette fois rejeté, et toujours continuer à avancer. Car c’est également le 23 avril 2013 que mon pays a avancé en me permettant un jour de me marier.

 

Mai : « Motherboard », Daft Punk.

 

Parce que bordel ce classement 2013 sans les Daft Punk ça n’aurait pas été possible ! Et même si ce n’est pas ce titre qui a rythmé mon incroyable anniversaire fête foraine pour lequel j’ai déployé une incroyable énergie durant tout le mois (et pour lequel j’ai rempli une piscine de 1300 balles dans mon appartement !), c’est bien le titre des Daft Punk que j’ai le plus écouté cette année (et qui m’a bercé de nombreuses fois dans le métro…).

 

Juin : « Comment t’appelles-tu ce matin ? », Élodie Frégé.

 

Parce que ça sentait la fin des relations d’une heure, au mieux d’une nuit, seul ou à plusieurs, dans la solitude et l’ennui. Parce que le titre était léger et ensoleillé dans cet été qui ne commençait pas. Parce que c’est Elodie et que je suis fidèle à vie. Et surtout parce que c’est le 13 juin qu’un ami est tombé dans le coma devant moi, que cet épisode a réveillé le pire épisode de mes précédentes vies, et que je me demandais surtout si cet ami allait se réveiller en se souvenant des prénoms des siens… Mais dans la vie rien ne se répète, rien ne se répète, et cet ami est toujours parmi nous et se souvient de mon prénom.

 

Juillet : « Les espaces et les sentiments », Vanessa Paradis.

 

Parce que je ne travaillais plus, que mon ami était sauvé, que je pouvais m’occuper de moi, que l’été était enfin là, et que je voyageais moi aussi dans les espaces et les sentiments. Au son des violons, le soleil couchant. Aux percussions, l’immensité des océans. Voyager, « c’est retrouver toute son enfance ».

 

Août : « Drew », Goldfrapp.

 

Parce que je continuais à voyager – seul cette fois – et que j’avais besoin de voix douces en journée pour m’encourager à de longues heures marcher. Parce qu’Auschwitz c’est l’horreur mais c’est aussi la beauté : la beauté de la Grandeur qu’elle soit Tristesse, Horreur ou Eternité. Parce que c’est tout d’un coup, dans les rues de Varsovie, l’image dans le ciel de deux avions qui se sont croisés et que queĺqu’un pensait donc à moi : et qu’à cet instant-même, il pense encore à moi. Parce que c’est seul dans ce pays – dans lequel personne n’a compris pourquoi je m’y rendais, que je me suis mis à tout comprendre. Parce qu’il faut sortir de chez soi et de soi pour reprendre.

 

Septembre : « Wings », Birdy.

 

Parce que c’était un nouveau job, de nouvelles ailes. Parce qu’une nouvelle fois ce n’était pas fait pour moi, mais que déjà plus rapidement je m’en apercevais. Je prenais donc ce qui était à prendre (l’argent) et me suis mis à écrire comme un fou à côté. Parce que je comprenais plus vite, même si j’étais plus rapidement fatigué qu’avant. Parce que je n’ai pas dit mon dernier mot, parce que si dans la vie tout est à perdre tout est également à gagner ; et que ça, je ne l’aurais pas volé.

 

Octobre : « Work B**ch », Britney Spears.

 

Parce que c’est en résumé ce que j’ai fait : bosser, bosser, bosser, et peu le temps de faire autre chose tant la fatigue creusait. Parce que cette chanson n’est pas particulièrement bonne : un hymne taillé pour les cours de sport et l’abrutissement. Comme un peu cette période peu enrichissante de ma vie qui a eu au moins le mérite de confirmer mon refus de la médiocrité. Et parce qu’il fallait sûrement me rappeler ce qu’était que la médiocrité pour à l’avenir du premier coup d’œil la rejeter.

 

Novembre : « Unconditionnaly », Katy Perry.

 

Parce qu’au début je détestais cette chanson, parce qu’elle gueulait trop, que c’était une chanson pop d’amour (donc de la soupe), et – mon Dieu – parce que c’était Katy Perry ! Puis, heureusement, je me suis aperçu que je m’étais trompé ; comme on peut se tromper sur tout mais rapidement le remarquer. Et finalement, c’est bien la chanson que j’ai le plus écoutée cette l’année. Parce que malgré les tourments que cela provoque, je reste fier et heureux  de vouloir continuer à aimer, d’inconditionnellement aimer.

 

Décembre : « Libérée, délivrée », Anaïs Delva.

 

Parce qu’il m’a toujours été difficile de me décider sur la chanson qui allait clore l’année, car c’est bien sur celle de décembre que j’ai le moins de recul. J’ai hésité avec une autre à des kilomètres de l’univers féerique du conte de Disney : « Reflektor » d’Arcade Fire. Mais ce sont les paroles optimistes de « La Reine des Neiges » qui m’ont décidé. Comme une note pleine d’espoir pour la nouvelle année qui arrive, cette année pleine de défis : de nouveaux projets professionnels, de voyages au bout du monde, d’un nouveau roman à écrire au scénario presque-presque achevé… Je ne reviendrai plus sur 2013, « le passé est passé ». 2014, je t’accueille à bras ouverts : « Me voilà oui, je suis là. »