La ligne 14 (9/16)

Il pleuvait. Non pas une fine pluie romantique, mais de sacrées hallebardes d’enculés. Et c’est par ce temps idyllique que je courais. Je courais vers mon destin, tel un cheval sauvage, tout ce que vous voudrez, mais en tout cas je transpirais. Je courais toutefois pas trop longtemps jusqu’à la plus proche station de tromé. Debout, compressé dans la rame, je bénissais cette idée que j’avais eu de faire imprimer un manuscrit en rab : c’était désormais vers lui que je courrais pour ensuite aller le remettre en main propre à mon éditeur préféré. Debout, compressé dans la rame, je me disais qu’il allait également falloir que je fasse un brin de toilette en arrivant chez moi, et bien évidemment me changer.

J’arrivais chez moi. Allez hop, sens des priorités : l’élégance même dans l’urgence. Douche, auscultation des poils de nez, brossage des dents, déodorant, parfum projeté. Chemise blanche et pull panda ? Il fallait que je me présente élégant, mais également comme l’original que jusqu’alors j’avais été. Ce serait donc chemise blanche et pull panda. Et quant aux choses vraiment sérieuses ? Le manuscrit restant était bien rangé en évidence sur mon bureau et je trouvais cela finalement bien trop facile. Mais oui : il me fallait l’accompagner du petit rond violet signalétique imprimé de la ligne 14 ! Et puis tiens pendant qu’on y était, de l’envoi de la ligne 8 jamais reçue par Flammarion. Je prenais donc un bout de carton d’emballage de pizza et y écrivait grossièrement « Svp donné-moi (dessin d’une maison). Quant aux petits ronds colorés des lignes 8 et 14; j’étais un peu embarrassé : je n’avais pas d’imprimante chez moi. Ni une ni deux, pour 8 et 14, je transférais le fichier image sur une clé USB et verrais cela chez Copy-Top – qui a involontairement sponsorisé cette histoire.

Le temps pressait, je commandais un taxi. Comme toujours dans ces cas-là, le taxi se fit attendre – car si cette histoire s’était passée dans une autre capitale que Paris, il aurait suffit que je lève le bras pour qu’un taxi s’arrête – bref, passons. « Je vais à Bibliothèque François Mitterrand. » Il y avait un Copy-Top pas loin, j’avais vérifié sur Internet. Manque de bol ce jour-là, des embouteillages monstres infectaient Paris ; peut-être uniquement des livreurs de fleurs et de chocolats en cette Saint-Valentin. Qu’importe, il fallait que je me dépêche et que j’adopte un rythme différent de celui d’alors : 300 mètres en un quart d’heure. La mort dans l’âme je remerciais le chauffeur à qui je payais une petite fortune pour les 300 mètres parcourus, et courais sous la pluie jusqu’à la station de métro la plus proche.

« Mon récit se déroulant dans le métro, il fallait tout logiquement que cette histoire se finisse dans le métro », pensais-je avec un sourire en coin. Ironie de ma vie.

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