CQPD

« On a tous besoin d’un PD pour bien commencer la journée !
– Non mais tu peux pas écrire ça !
– Mais c’est une prez…
– Justement ! Tu vas pas dire devant tout le monde « Un PD équilibré est essentiel pour bien grandir » !
– Ou « A chacun son PD » ?
– Exactement !
– Bon ok, je vais écrire « petit-déjeuner » en entier alors… »

L’amour dans ta gueule

J’ai beau le savoir et me répéter de ne pas tomber aux pieds du plus beau, je tombe toujours amoureux du salaud.
Le plus beau ne l’est pas mais il l’est pour moi.
Je tombe je tombe, et sans élastique c’est là que j’ai la trique.
Le tic des sentiments qui à chaque fois se répète, de ce cœur qui bat obsessionnellement bam bam. A chaque fois la fixette, à chacun la risette.

Car même si je tombe amoureux, je n’imagine jamais la douloureuse chute : la gueule dans le gravier, le visage en sang, que même ta mère elle t’a jamais baffé comme ça.

Je souris, alors que je vais encore une fois m’en prendre plein la gueule.

Plonger dans mon lac

Mon nez était aussi bouché que le Périph’ un samedi soir lorsque je décidai de le désengorger. La tête au-dessus d’un bol d’eucalyptus, je respirais les effluves sacrées tout en entendant la musique au loin : Jil Caplan chantait Le lac dans mon salon.

De nombreux artistes parcourent ma playlist me disais-je tout en sentant les poils arrières de mes narines respirer à nouveau. Là, seul, dans mon appartement, je ne me disais que ça : qu’il était bon d’entendre Jil Caplan dans le lointain.
Lorsque soudain je pris conscience que je n’étais pas vraiment seul, là, dans la cuisine : Jil Caplan était à côté de moi à me tenir le front au-dessus de l’infusion. Et lorsqu’elle aurait fini sa chanson, ce serait peut-être Patxi ou Robbie qui viendraient tenir la serviette sur ma tête.Je n’étais jamais seul. En la présence de la musique j’oubliais l’absence des hommes. Voilà pourquoi je supportais la solitude. Car la solitude, elle est juste là.
Toutes ces promenades, ces heures devant l’ordi, ces chemises repassées et ces textes brouillonnés, rien n’aurait été possible sans Zazie, Madonna ou Elodie. Et surtout rien n’aurait été magnifié. Car au-delà du quotidien, la musique sublime ma solitude ; elle en fait quelque chose de bien.

Une solitude que je peux bercer. Bras croisés, genoux remontés, je me tiens, je me cramponne. Et ce mouvement, à la différence d’un bateau, apaise et contient l’esseulé qui se berce. C’est une solitude intérieure, qui enveloppe étroitement comme une peau. Puis il y a une solitude vagabonde, indépendante. Celle-là, sèche et envahissante, fait que le bruit de son propre pas semble venir de quelque endroit lointain.

Beloved, Toni Morrison

Barquettes de fish & chips à Portsmouth

C’est Matthieu qui m’a appris à rentrer les lacets dans mes baskets ; les boucles c’était totalement has-been en 97. Puff Daddy chantait I’ll be missing you et moi je sentais qu’il me manquait mon pantalon qui me descendait sur les fesses. Je devais acheter un jean large en rentrant en France.

Car l’été 97 je le passais à Portsmouth et ce furent les meilleures vacances de ma vie. Que j’ai pu rire ! Et surtout c’était la première fois que tout un groupe m’adorait sans connaître mon passé, sans juger mes antécédents. On m’aimait pour ce que j’étais dans le présent et ça, c’était rafraîchissant.

« Para bailar la Bamba, para bailar la Bamba » avais-je du chanter dans la rue en faisant la quête. J’avais récupéré 20 pence, un chewing-gum et une capote. Je m’étais amusé pendant un ¼ d’heure avec Julien à uniquement poser un pied sur les passages piétons pour constater qu’immédiatement toutes les voitures s’arrêtaient. Je m’étais baigné tout habillé avec Thomas dans une mer à 17 °C. J’avais accompagné Julie se faire piercer le cartilage de l’oreille ; je l’avais aidée à changer son pansement quand ça s’était infecté. J’avais appelé un esprit libanais avec l’autre Julie. J’avais embrassé Anaïs sur I believe I can fly. J’avais surpris le fils aîné de ma famille d’accueil sous la douche.

Tant de souvenirs qui méritent chacun un post et non pas cet assemblage d’instants. Car ces deux semaines à Portsmouth ne se résumeront jamais en quinze phrases. Et cela parce l’épanouissement est une fleur qui a mûrement réfléchi avant de s’ouvrir à la vie.

La toile organique

« C’est quoi ?
– C’est une toile organique.
– Une quoi ?? »

Florien était complètement barré. Des rumeurs courraient à son sujet. On disait qu’il avait perdu ses parents dans un accident de voiture et que son éducation grande-paternelle l’avait quelque peu dérangé.

« J’ai étalé de la matière organique sur la toile comme des Petits Suisses et du Yop, puis l’ai exposée sur mon balcon pendant trois mois en tachant bien de la photographier tous les jours sous le même angle. Regarde comme la matière entre en décomposition et devient la couleur. »

Florien restera un incompris pour ses camarades du lycée.
Il obtiendra 20/20 au Bac en Arts Plastique.

Dormir plus pour vivre plus

Je suis toujours étonné par les couvertures de Psychologies Magazine. En effet, elles proposent constamment le portrait d’une célébrité avec le nom du dossier du mois en lettres capitales. Cette mise en page donne de curieuses couvertures comme la photo de Zazie avec écrit en dessous « Affronter la ménopause » ou bien encore ce mois-ci Juliette Bimoche qui se demande comment « échapper à la bêtise ».

Dans une de ses plus célèbres interviews, Jacques Brel ne trouvait pas d’excuse à la bêtise. Pour lui, elle n’était que le fruit de la paresse, une mauvaise pomme trop mûre qui ne demande qu’à tomber mais qui jamais ne chute. La bêtise était un manque de réflexion sur soi, sur les autres, sur le monde ; elle s’adressait donc en premier aux fatigués.

Les épuisés, les éreintés, les harassés, ceux que les bâillements cernent et que les cernes encerclent, je les ai cernés. Petite mine au petit-déjeuner et grande gueule aux grands dîners. Qui soupent de l’air la nuit tombée et l’exhume au soleil levé. Qui insultent le réveil. Car c’est ça le coupable : la machine, la société, et non pas l’irraison des couchers cons. Si levés sept heures pour le boulot, goûtons les draps à deux heures cinq. Cinq heures suffiront. Moins les heures d’assoupissement. Aucune réparation dans cette nuit, surtout pas celle de la raison.
Les moutons ont du pain sur la nuit blanche.

Dormir plus pour vivre plus. Se coucher tôt pour se reposer, s’apaiser, se rendre vif la journée et échapper à la sottise ? Not so simple.

Après de longues journées de travail, où le métro vous dépose au seuil de l’appartement, les yeux crevés et l’estomac béant, voulez-vous coucher avec froid ce soir ?
« Je veux profiter ! Je veux profiter ! »
Et même s’il n’y a rien à profiter, on veut se changer les idées et s’imaginer pendant un bref instant que la liberté existe à la nuit tombée.
« J’veux sauter sur l’lit de Papa, manger d’la pizza et boire du coca ! »

J’veux m’tuer devant l’écran et bouffer du Nutella à la cuillère. J’veux du concentré, du solide, de l’efficace et du rapide. Me rassasier, gâter mon appétit et même jouir si je peux. Bouffe et sexe remplisseurs, gestionnaires de mes envies, de mes gâteries, ont le dessus sur mon dernier besoin. Le sommeil m’attend bien loin.

Couette déprimée et oreillers pleureurs, le royaume des oublis se fait également oublier. A deux je ne dis pas, mais tout seul je lui dis non. Et pourtant le sommeil ne me fait pas rêver que dans mes songes, il me fait également rêver lorsque je l’invoque en conf-call, en meeting ou en copil ; tous ces mots barbares qui rendent ville plus vile. Mais surtout, c’est le repos qui me rend dynamique, attentif et pertinent ; c’est lui qui me donne bon teint et ce charme qui peut plaire. C’est là que le sommeil me fait rêver en journée, lorsque mes minutes sont belles et que j’en profite.

Alors que dois-je faire ? Me coucher tôt après avoir passé une belle journée ou me coucher tard pour ne pas avoir fait que travailler ? La raison voudrait que je choisisse la première possibilité, mais bien souvent c’est mon moral qui a le mot dernier.

Echapper à la bêtise n’est vraiment pas une tâche aisée.

Je préfère la Bête

Je préfère la Bête lorsqu’elle est bête que lorsqu’elle est homme. Ses grands yeux bleus ne sont profonds que parce qu’il y a du poil autour. La laideur met en valeur la beauté d’un visage.
Ma copine Goingoin s’est faite tatouer « Furs » sur le poignet. Et avant d’être horrifié et d’imaginer une touffe, j’ai pensé au film avec Cocole Kidman. Un regard débordant de gentillesse avec du poil autour encore une fois, mais cette fois c’est Robert Downey Junior et non pas un prince fadasse en celluloïd. Pourtant je ne l’aime pas particulièrement Bébert Juju – sauf dans l’épisode d’Ally McBeal où il porte un costume Burburry ; fallait oser. Mais là, dans Fur, son regard est d’autant plus beau que son visage est là. Et lorsqu’atteint d’hypertrichose, il décide de se raser entièrement le corps pour Cocole, son regard se perd alors dans un visage assez commun.

Je ne veux pas me perdre dans un visage commun. Je veux de l’originalité, des défauts, voire même de la laideur. Pour ne jamais oublier ce visage, ce visage dont je suis tombé amoureux.

C’est personnel les fesses

« Et je vous ai déjà raconté la fois où je suis tombé du lit et où j’ai failli casser la table de chevet ?
– Non !
– Et la fois où le mec avait une photo de Barbra Streisand au-dessus du lit ?
– Non plus !
– Et la fois où le mec m’a pété dessus pendant que je le doigtais ??
– Beeeeeeeurrrrrrk ! Raconte vite !!
– Bah non. C’est personnel. Ca ne se raconte pas. »

Oh, ma Lolita

Avec moi Lolita cet été-là.
« Lolita, lumière de ma vie » dans les bus de Portsmouth. Le long du trajet, « le feu de mes reins », jusqu’au centre de langues, les amis sur le chemin.
Tatiana, « Mon péché, mon âme. ». En amour j’allais tomber l’hiver suivant, son visage d’indienne, inévitable.

Lo-li-ta.

J’aurais mon lot de Lolita cet été-là : Anaïs.
Mes premiers bras serrés, mon jeune baiser de vie. « Le bout de la langue fait trois petits bonds le long du palais». Quelques instants de confiance et surtout l’impression; d’entrer dans un cercle. Intact.
« Pour venir, à trois, cogner contre les dents », un peu tardivement, mais tout de même là.

Lo. Li. Ta.

J’appris du cœur sa prose, humble Humbert. Et plus tard dans Ada, avec moins d’ardeur. Avec moins de candeur et d’admiration, que pour Lolita qui eut ma raison, ma raison sensuelle cet été-là.

Oh, ma Lolita.

Parler comme un veau espagnol

Lorsque Jérôme et Mickaël sonnèrent à ma porte parce qu’ils me cherchaient, ils obtinrent cette réponse de ma mère : « Il est à un barbe-cul ».
Ma mère étant espagnole, la prononciation de ce mot correspondait exactement à ce qui est écrit plus haut.
Jérôme et Mickaël en rigolent encore comme des cétacés.

« Il s’amuse beaucoup avec son petit copain.
– Maman !
– Quoi ?
– On ne dit pas « petit copain » mais copain. Je te l’ai dit mille fois !
– C’est vrai Leonor, si tu parles comme ça les gens vont finir par croire que notre fils est pédé. »
C’est vrai quoi, pas de méprise.
« Ca m’est mal tombé », « à preu près », « une mauvaise altitude », mes maîtresses corrigeaient de bien curieuses fautes dans mes expressions écrites. Et si j’ai pu pratiquement toutes les corriger avec le temps, il m’en reste encore une avec laquelle je cultive un lien indéfectible.

« Tu aimes le beurre ?
– Si.
– Mais non, on dit « oui » !
– Ah.
– Je suis sûre que t’en veux pas…
– Mais oui !
– Fallait répondre « si » ! »

Cécile a passé trois ans de notre lycée à m’apprendre à différencier « oui » et « si ». Sans succès. En raison de ma langue maternelle, chez moi c’est « Oui Maman oui ». Pauvre France.
« Ca toujours été ma faute si les enfants faisaient une faute en Français ! »
Oui mais ça a toujours été grâce à toi si je suis bilingue et si j’ai cette voix si particulière en moi. C’est grâce à toi si je parle comme un veau espagnol, et je ne suis pas peu fier de cela.