Plonger dans mon lac

Mon nez était aussi bouché que le Périph’ un samedi soir lorsque je décidai de le désengorger. La tête au-dessus d’un bol d’eucalyptus, je respirais les effluves sacrées tout en entendant la musique au loin : Jil Caplan chantait Le lac dans mon salon.

De nombreux artistes parcourent ma playlist me disais-je tout en sentant les poils arrières de mes narines respirer à nouveau. Là, seul, dans mon appartement, je ne me disais que ça : qu’il était bon d’entendre Jil Caplan dans le lointain.
Lorsque soudain je pris conscience que je n’étais pas vraiment seul, là, dans la cuisine : Jil Caplan était à côté de moi à me tenir le front au-dessus de l’infusion. Et lorsqu’elle aurait fini sa chanson, ce serait peut-être Patxi ou Robbie qui viendraient tenir la serviette sur ma tête.Je n’étais jamais seul. En la présence de la musique j’oubliais l’absence des hommes. Voilà pourquoi je supportais la solitude. Car la solitude, elle est juste là.
Toutes ces promenades, ces heures devant l’ordi, ces chemises repassées et ces textes brouillonnés, rien n’aurait été possible sans Zazie, Madonna ou Elodie. Et surtout rien n’aurait été magnifié. Car au-delà du quotidien, la musique sublime ma solitude ; elle en fait quelque chose de bien.

Une solitude que je peux bercer. Bras croisés, genoux remontés, je me tiens, je me cramponne. Et ce mouvement, à la différence d’un bateau, apaise et contient l’esseulé qui se berce. C’est une solitude intérieure, qui enveloppe étroitement comme une peau. Puis il y a une solitude vagabonde, indépendante. Celle-là, sèche et envahissante, fait que le bruit de son propre pas semble venir de quelque endroit lointain.

Beloved, Toni Morrison

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