Je regardais hier le portrait de Marianne par Gerhard Richter au centre Pompidou. Marianne était la tante de l’artiste. En proie à la schizophrénie, elle a été assassinée pendant la campagne eugéniste du régime nazi. Je pensais à tout cela en regardant son portrait avec l’artiste bébé devant elle. Je pensais à tout cela et à bien plus encore tandis que ma vision allait au-delà des traces de peinture à l’huile, que mes pensées franchissaient la toile et la salle pour s’égarer dans les sensations, les souvenirs, la nostalgie et l’horreur. Je pensais à tout cela alors que je n’ai jamais connu Marianne. Je n’ai jamais connu ni Marianne ni Gerhard Richter et pourtant je suis entré dans leur intimité, parce que l’artiste m’y a autorisé. C’est forcément la salle dédiée à l’intimité que j’ai préférée dans sa rétrospective du centre Pompidou.
Je pense souvent à cette question d’intimité en publiant ici des textes, à quel point suis-je sincère, désarmé ou impudique. Puis, rapidement, apparaît que sciemment ou inconsciemment je publie ici les seuls mots et textes que je veux bien montrer, que d’autres qui jonchent mes carnets gribouillés ne seront jamais publiés. Elle se situe là ma pudeur, dans ce qui n’est pas publié. Ce que je publie ici répond à une logique, à une échange entre vous et moi, entre ce qui me rassurera et ce qui vous touchera, entre en ce qui me délivrera et ce qui vous amusera. L’échange est constant même si nous communiquons peu de derrière nos écrans. Même si vous commentez peu, je sais que vous lisez (les temps moyens de visite sur le blog viennent me le confirmer). Même si nous ne connaissons peut-être pas, je sais qu’à travers l’écran vous aussi vous me toucherez. Comme hier Gerhard Richter dans l’intimité de sa tante Marianne m’a touché.