Barquettes de fish & chips à Portsmouth

C’est Matthieu qui m’a appris à rentrer les lacets dans mes baskets ; les boucles c’était totalement has-been en 97. Puff Daddy chantait I’ll be missing you et moi je sentais qu’il me manquait mon pantalon qui me descendait sur les fesses. Je devais acheter un jean large en rentrant en France.

Car l’été 97 je le passais à Portsmouth et ce furent les meilleures vacances de ma vie. Que j’ai pu rire ! Et surtout c’était la première fois que tout un groupe m’adorait sans connaître mon passé, sans juger mes antécédents. On m’aimait pour ce que j’étais dans le présent et ça, c’était rafraîchissant.

« Para bailar la Bamba, para bailar la Bamba » avais-je du chanter dans la rue en faisant la quête. J’avais récupéré 20 pence, un chewing-gum et une capote. Je m’étais amusé pendant un ¼ d’heure avec Julien à uniquement poser un pied sur les passages piétons pour constater qu’immédiatement toutes les voitures s’arrêtaient. Je m’étais baigné tout habillé avec Thomas dans une mer à 17 °C. J’avais accompagné Julie se faire piercer le cartilage de l’oreille ; je l’avais aidée à changer son pansement quand ça s’était infecté. J’avais appelé un esprit libanais avec l’autre Julie. J’avais embrassé Anaïs sur I believe I can fly. J’avais surpris le fils aîné de ma famille d’accueil sous la douche.

Tant de souvenirs qui méritent chacun un post et non pas cet assemblage d’instants. Car ces deux semaines à Portsmouth ne se résumeront jamais en quinze phrases. Et cela parce l’épanouissement est une fleur qui a mûrement réfléchi avant de s’ouvrir à la vie.

La toile organique

« C’est quoi ?
– C’est une toile organique.
– Une quoi ?? »

Florien était complètement barré. Des rumeurs courraient à son sujet. On disait qu’il avait perdu ses parents dans un accident de voiture et que son éducation grande-paternelle l’avait quelque peu dérangé.

« J’ai étalé de la matière organique sur la toile comme des Petits Suisses et du Yop, puis l’ai exposée sur mon balcon pendant trois mois en tachant bien de la photographier tous les jours sous le même angle. Regarde comme la matière entre en décomposition et devient la couleur. »

Florien restera un incompris pour ses camarades du lycée.
Il obtiendra 20/20 au Bac en Arts Plastique.

Dormir plus pour vivre plus

Je suis toujours étonné par les couvertures de Psychologies Magazine. En effet, elles proposent constamment le portrait d’une célébrité avec le nom du dossier du mois en lettres capitales. Cette mise en page donne de curieuses couvertures comme la photo de Zazie avec écrit en dessous « Affronter la ménopause » ou bien encore ce mois-ci Juliette Bimoche qui se demande comment « échapper à la bêtise ».

Dans une de ses plus célèbres interviews, Jacques Brel ne trouvait pas d’excuse à la bêtise. Pour lui, elle n’était que le fruit de la paresse, une mauvaise pomme trop mûre qui ne demande qu’à tomber mais qui jamais ne chute. La bêtise était un manque de réflexion sur soi, sur les autres, sur le monde ; elle s’adressait donc en premier aux fatigués.

Les épuisés, les éreintés, les harassés, ceux que les bâillements cernent et que les cernes encerclent, je les ai cernés. Petite mine au petit-déjeuner et grande gueule aux grands dîners. Qui soupent de l’air la nuit tombée et l’exhume au soleil levé. Qui insultent le réveil. Car c’est ça le coupable : la machine, la société, et non pas l’irraison des couchers cons. Si levés sept heures pour le boulot, goûtons les draps à deux heures cinq. Cinq heures suffiront. Moins les heures d’assoupissement. Aucune réparation dans cette nuit, surtout pas celle de la raison.
Les moutons ont du pain sur la nuit blanche.

Dormir plus pour vivre plus. Se coucher tôt pour se reposer, s’apaiser, se rendre vif la journée et échapper à la sottise ? Not so simple.

Après de longues journées de travail, où le métro vous dépose au seuil de l’appartement, les yeux crevés et l’estomac béant, voulez-vous coucher avec froid ce soir ?
« Je veux profiter ! Je veux profiter ! »
Et même s’il n’y a rien à profiter, on veut se changer les idées et s’imaginer pendant un bref instant que la liberté existe à la nuit tombée.
« J’veux sauter sur l’lit de Papa, manger d’la pizza et boire du coca ! »

J’veux m’tuer devant l’écran et bouffer du Nutella à la cuillère. J’veux du concentré, du solide, de l’efficace et du rapide. Me rassasier, gâter mon appétit et même jouir si je peux. Bouffe et sexe remplisseurs, gestionnaires de mes envies, de mes gâteries, ont le dessus sur mon dernier besoin. Le sommeil m’attend bien loin.

Couette déprimée et oreillers pleureurs, le royaume des oublis se fait également oublier. A deux je ne dis pas, mais tout seul je lui dis non. Et pourtant le sommeil ne me fait pas rêver que dans mes songes, il me fait également rêver lorsque je l’invoque en conf-call, en meeting ou en copil ; tous ces mots barbares qui rendent ville plus vile. Mais surtout, c’est le repos qui me rend dynamique, attentif et pertinent ; c’est lui qui me donne bon teint et ce charme qui peut plaire. C’est là que le sommeil me fait rêver en journée, lorsque mes minutes sont belles et que j’en profite.

Alors que dois-je faire ? Me coucher tôt après avoir passé une belle journée ou me coucher tard pour ne pas avoir fait que travailler ? La raison voudrait que je choisisse la première possibilité, mais bien souvent c’est mon moral qui a le mot dernier.

Echapper à la bêtise n’est vraiment pas une tâche aisée.

Je préfère la Bête

Je préfère la Bête lorsqu’elle est bête que lorsqu’elle est homme. Ses grands yeux bleus ne sont profonds que parce qu’il y a du poil autour. La laideur met en valeur la beauté d’un visage.
Ma copine Goingoin s’est faite tatouer « Furs » sur le poignet. Et avant d’être horrifié et d’imaginer une touffe, j’ai pensé au film avec Cocole Kidman. Un regard débordant de gentillesse avec du poil autour encore une fois, mais cette fois c’est Robert Downey Junior et non pas un prince fadasse en celluloïd. Pourtant je ne l’aime pas particulièrement Bébert Juju – sauf dans l’épisode d’Ally McBeal où il porte un costume Burburry ; fallait oser. Mais là, dans Fur, son regard est d’autant plus beau que son visage est là. Et lorsqu’atteint d’hypertrichose, il décide de se raser entièrement le corps pour Cocole, son regard se perd alors dans un visage assez commun.

Je ne veux pas me perdre dans un visage commun. Je veux de l’originalité, des défauts, voire même de la laideur. Pour ne jamais oublier ce visage, ce visage dont je suis tombé amoureux.