Britney Spears est morte

Britney Spears est morte. Elle a été assassinée. Ils l’ont annoncé au journal de 20h. C’était le deuxième grand titre juste après la montée du chômage. Elle laisse derrière elle cinq albums et quelques tubes dont …Baby one more time et Oops !… I did it again. Bien sûr le journaliste dit n’importe quoi en se trompant sur les dates de sa vie. Dés qu’on connaît bien un sujet, on se rend compte que les journalistes font beaucoup d’erreurs à la télé. Ils montrent quelques images d’elle et de la tristesse de ses fans qui la pleurent. Britney ne chantera plus. Elle n’interprètera plus jamais d’autres magnifiques chansons. Elle n’inspirera plus d’autres artistes. Même si Pierre avait payé cher le billet, il avait très bien fait d’aller à son concert, car maintenant Britney Spears est morte. Pierre se sent très triste. Il a envie de pleurer. Cette fille avait son âge. C’est si bizarre. Elle laisse surtout derrière elle la possibilité avortée de chanter d’autres magnifiques chansons. Je me répète mais c’est si dommage. Pierre commençait à comprendre les fans de John Lennon.
Un fan l’a tuée. Pour rentrer dans sa vie. Pour devenir aussi important que sa mère. Prendre sa vie puisqu’il ne la lui avait pas donnée. Deux balles dans la tête. Pierre aurait peut-être aimé avoir ce rôle. Il l’aurait moins pleurée. Il aurait au moins eu l’honneur d’être l’assassin de Britney Spears.

J’ai écrit ce texte en avril 2004 et n’en ai pas changé un mot aujourd’hui.

Le téléphone pleure

Lorsque je bossais à « La télé qui déconne », il m’arrivait souvent de téléphoner à des célébrités : « Axelle, bonjour ! », « Vous êtes bien sur le répondeur de Samuel Le Bihan », « Anne de Petrini’ s speaking » « Allô c’est Florence »…
Mais parler à une star revenue d’entre les morts, ça, je ne m’y attendais vraiment pas.

« Oui bonjour, Claude François à l’appareil, pourrais-je parler à…
– (Ne réponds pas Bob Marley. Ne réponds pas Bob Marley.) »

J’ai bien fait de me taire : c’était son fils Claude François Junior que j’avais au bout du fil.
J’ai évité de peu que le téléphone pleure.

J’ai rêvé CDD

J’ai rêvé d’un CDD.
Lorsque je devais tirer l’os du poulet ou choisir la bonne joue cilée, je choisissais le CDD. En voyant une étoile filante ou en soufflant mes 25 ans, je rêvais CDD. Je ne souhaitais pas la paix dans le monde ou un amoureux, non, je gardais les pieds sur terre. En revanche je faisais le voeu d’avoir un jour un CDD. Je ne demandais même pas un CDI hein – c’était trop beau pour moi, mais juste un contrat à durée déterminée. Déterminé mais humble comme mes prières au Dieu Tout Puissant. Le DTP à qui je ne demande jamais rien pour moi, juste le vaccin diphtérie-tétanos-polio pour les lépreux du monde.
Les prières ça marche jamais de toute façon, mais je continue à en faire. Les prières ça peut pas faire de mal et ça ne peut que faire du bien. Les prières c’est un peu comme le sexe : ça fait du bien là où ça fait mal. Du Synthol et ça repart dans les couvents. Les religieuses ont elles aussi une sexualité. Une prière et ça repart dans mon auvent. Dans le pire des cas c’est sans finalité. Mais les vœux…
Les vœux sont une supercherie qu’on inculque aux bébés depuis des millénaires. Pire que le super chéri Papa Noël, inculte imbibé dans nos chaumières. Les vœux ne marchent jamais car on n’y croit qu’un instant. Y’a que les rêves qui fonctionnent car on y croit tout le temps.

Les oreilles à Batman

Une vieille dame le sac plastique sur la tête. Ploc plic la pluie sur le plastique. Les coins du sac éclatent les plics à contre-éthique. Plic ploc les oreilles à Batman sur la tête à la vioc.

Au lieu de nous moquer, essayons de déchiffrer : Qu’est-ce qui pousse une vieille dame respectable à enfiler un sac Champion sur la tête ?

Elle aussi a trouvé ça ridicule. Elle aussi s’est moquée un jour comme nous nous moquons. Et pourtant quelque chose de plus fort que le ridicule la pousse à porter ce chapeau diluvien.

Au prix que coûte le coiffeur. La coiffeuse plutôt, Tony est très gentil mais pas très viril. Croyez-vous que ce soit lui qui fasse la femme ? Je lui ai demandé de me faire belle pour mes petits-enfants. Je ne les vois pas souvent. Ils habitent à Paris. Je ne veux pas qu’ils aient honte de leur grand-mère. C’est pour ça que je préfère avoir honte avant, toute seule dans la rue, mon chapeau de fortune sur la tête. Coiffée de ridicule plutôt que d’alopécie moutonne. C’est juste pour mes petits enfants. Je les aime tant.

La tecktonik ou l’avènement de la musique de chambre

« Dés que je rentre dans une piscine c’est plus fort que moi, je fais aussitôt pipi. », « C’est qui qu’a pété ? », « Le baryton je croyais que c’était un poisson moi ! ». En 2001 le ridicule ne tuait pas, il rendait même célèbre.
Laure de Lattre, Delphine du Loft ou bien encore Jean-Pascal de Dammarie-les-Lys, autant de noms auxquels la télé-réalité aura donné ses lettres de noblesse.

Il est vrai que l’intrusion d’une caméra dans son quotidien a quelque chose de perturbant. Elle peut aussi bien retenir des instants denses et propices aux souvenirs émus que les gestes les plus méprisables de nos vies. Car les journées ne sont pas faites que d’Edouard déclarant leur flamme à des Elodie Frégé ingénues. Les matins sont également remplis d’Angela se mâtinant la moustache de crème épilatoire. C’était dans le Loft 2 et c’était aussi dans la chambre de ta mère. Ne jamais regarder par le trou de la serrure t’a-t-on répété.

En 2001 la télévision magnifiait la banalité. Les enfants allaient grandir dans cette idée que ce qu’on fait dans sa chambre – à l’abri des regards – est forcément intéressant puisqu’on le montre à la télé. Ce qui était considéré comme ridicule devenait avouable au plus grand nombre, jusqu’à en devenir une source de fierté.

C’est dans ce contexte que naquit la tecktonik.

« A tôôôble !
– Pas maintenant !
– J’é dis « A tôble » !
– Mais Maman j’répète ma choré !
– Jordan tu discutes pô et tu vas chercher une bière à ta mère ! »

Pendant que la maman à Jordan lèche le goulot de sa Jupi, le ch’tio enfonce bien sa langue dans la gueule à Jessicô et pas dans celle à Jean-Dylan. Car bien que Jordan kiffe grave danser tout seul devant son miroir, sans contrefaçon il reste un garçon. Billy Elliot est probablement passé sur une télé du Nord-Pas-de-Calais, mais malheureusement pas Tchaïkovski.

Paroles d’ados :
« Ouais je kiffe m’egarder dans la glace. Pas ma gueule mais mes mouvements. Le rythme m’embellit, ça m’empêche de voir ma gueule acnéique. Tout ce qui m’éloigne de mon visage m’embellit. Et me rend plus confiant. »
« Lorsque tu sais bien danser ça veut dire que tu sais bien baiser. J’ai entendu ça chez Difool. »
« Dans la rue lorsqu’on danse avec mes potes, it’s like a battle you know. A hip-hop battle. »

Parce que de Dunkerque à Neuilly il n’y a que deux steps, le krump des ados gominés s’est naturellement éveillé dans la cité dorée. Et parce qu’une antichambre sépare le Rizing Neuilly de la Porte de la Chapelle, les ados aux portes mal verrouillées n’éprouveront jamais les mêmes hontes que leurs aînés.

« Bah tu faisais quoi là ? Tu dansais ?? Mouhahaha !! Mamaaan !! J’ai surpris David en train de danser tout seul dans sa chambre !
– C’est pas vrai ! Je faisais de la gym !! ».
Car aujourd’hui une vraie honte de djeun’s ça ressemble à ça :
« T’es trop un boloss ! Tu confonds Tecktonik et Milky Way !! Trop MDR !! ».

Les chambres postérisées ont bien changé : elles exposent désormais leur intimité à la postérité. Et le ridicule se perd en chemin aux yeux de ceux qui n’y voient qu’une épreuve de force. Car un corps qui se tord et se collapse est aujourd’hui synonyme de respect dans les halls des lycées. Le jeu du foulard ça l’fait trop aps mais les mêmes effets ça l’fait. Alors on va collectionner les mouvements du dos comme les vieux faisaient la collec’ des Arthus Bertrand du Mc Do.

Car finalement la tecktonik ce n’est que ça : la plus grande invention depuis le pin’s.