Jurassic Bar

« Monsieur, vous êtes un gros nerveux à tendance spasmophile et alcoolique. »

Le verdict était tombé : j’étais alcoolique.
Ce fut une véritable surprise, je ne m’attendais pas du tout à ce que le médecin dise cela de moi. J’étais juste venu pour une curieuse fatigue. Et puis je me suis mis à y penser sur le chemin du retour.

Trois ou quatre bières par soir depuis trois ans était-ce vraiment beaucoup ? Et puis pendant les soirées tout le monde buvait autant… Une quinzaine de verres en open bar ça me paraissait normal… C’était le minimum pour s’amuser car sinon on restait sobre, on ne connaissait pas la douce ivresse des écoles de commerce…

Et puis j’ai commencé à oublier mon ordonnance pour les acides foliques. J’ai commencé à penser à ce garçon qui m’attendait dans un bar. C’était la première fois que je rencontrais un garçon du Net. La première fois que j’assumais physiquement ma sexualité.

On avait rendez-vous au Vice Versa (ça ne s’invente pas !). Il était en face de moi avec son piercing à l’arcade – j’ai toujours trouvé ça très mignon.
Mais il ne parlait pas.

Et moi j’avais du mal à embrayer sur les sujets. Alors j’ai lancé un sujet quelconque, pour voir comment il réagissait :
« Tu aimes lire ?
– Ah non ! Je déteste ça !
– Ah bon ? Y’a tellement de bouquins différents pourtant. Tu devrais y trouver ton compte…
– Non. Je déteste lire. Car quand j’étais petit, ma grand-mère m’achetait des bouquins sur les animaux et le pire ça a été celui sur les dinosaures. Depuis ce jour-là ; j’ai pas ouvert un livre ! »

Le bide total.

Il fallait que je m’empresse de raconter ça à Maggy :
« Maggy ! Faut que je te raconte un truc !
– Le médecin ? Il t’a dit quoi ?
– Que je suis alcoolique, mais c’est pas ça le truc : j’ai rencontré un mec qui lit pas parce que sa grand-mère lui a offert un livre sur les dinosaures !!
– T’es alcoolique ???
– On s’en fout ! Je te parle d’un gars qui lit pas à cause des dinosaures !!! »

Ca, Spielberg ne l’avait pas prévu.

Le droit de regard

Le samedi soir c’était Disney Channel sur FR3 ou dîner chez les grands-parents.

Lorsque Papa et Maman revenaient de chez Champion le samedi matin, je regardais toujours s’ils ne m’avaient pas ramené quelque chose. Ca pouvait être du Babybel, des céréales que je n’avais encore jamais goûtées ou des Kinder Surprise. Mais lorsqu’ils ramenaient du pain à hamburger, cela augurait un samedi soir réussi.
Car mon frère et moi, nous allions dîner des hamburgers au four avec du gruyère fondu et du ketchup à volonté. Maman nous ferait aussi des frites que nous pourrions déguster devant les aventures de Winnie l’Ourson dans la forêt des Rêves Bleus.

Grand Gourou fait des pâtisseries
Que petit Gourou engloutit

De ces hamburgers viennent mon habitude de manger très lentement.
En effet, j’avais parié un soir avec mon frère que je serais capable de déguster un hamburger pendant toute la durée de l’émission. Et j’avais gagné ce pari stupide à force de grignoter le sandwich miette par miette refroidie. De là découle probablement ma manie de bien mastiquer les aliments et ma silhouette longiligne à faire pâlir BlueCosmic.

Ah mais quelle, quelle, quelle corvée !

Le samedi soir, pour le Disney Channel, j’avais donc le droit de regard.
Alors que chez mes grands-parents je ne l’avais pas…

Les samedis soirs chez mes grands-parents commençaient par le périphérique et ses embouteillages. Je détestais ce moment où mon père, frustré de ne pouvoir regarder Turbo, pestait contre les autres véhicules.

Puis, au bout d’une heure, on arrivait enfin dans le 17ème. On avait toujours droit aux mêmes biscuits apéritif, au même gigot et aux mêmes flageolets que mon grand-père se plaisait à nommer « pétogènes ».
Il parlait du prix de la baguette et des tickets de métro qui augmentait de façon effarante et des Nègres qui pullulaient dans les rues. Je voyais alors ma mère qui se mordait la lèvre inférieure comme pour se retenir de dire quelque chose.
Ma grand-mère enchaînait sur les sous-vêtements qui étaient horriblement chers chez Tati. C’est pourquoi elle ne se gênait pas pour les voler. Elle dérivait ensuite sur les jouets que j’avais demandés à Noël et qui étaient hors de prix. Elle m’en avait acheté d’autres à peu près similaires et qui n’étaient pas de marques en tout cas.

Moi, j’avais un peu de mal à comprendre ces discussions de grands. Surtout que ma grand-mère disait n’importe quoi. Car elle avait commandé les jouets au Père Noël, elle ne les avait pas achetés. C’est pas pareil.
En plus, les grands finissaient souvent par se disputer. Alors nous, avec mon frère, on en profitait pour s’éclipser dans la chambre de mes grands-parents pour piquer quelques tickets de métro amassés dans un tiroir ou pour regarder les titres des VHS érotiques de Papy. Il les rangeait dans des boîtes en cartons sous le lit : Black Emmanuelle en Orient, Bonne à tout faire, Série Rose… Ca avait plein de noms bizarres.

On rentrait lorsque mon père sentait que son épouse ne supportait plus ses beaux-parents. On devait alors emprunter le périphérique pour rejoindre Suresnes. Mais, c’était souvent le même cas de figure qui se présentait : le nettoyage nocturne du périph’.
Mon père prenait alors sa voix grave et annonçait : « On va devoir passer par le Bois de Boulogne. François, occupe-toi de ton frère ».
Et là c’était le drame.

Mon grand frère mettait sa main devant mes yeux.
Je n’avais plus le droit de regard.
Je ne comprenais pas pourquoi on me faisait ça. Que se passait-il dans ce Bois de Boulogne que je ne pouvais voir ?
Je m’imaginais alors des choses affreuses : des grimaces et des rires sardoniques, de la confusion et des contusions, des hommes blessés près de femmes nues sous leur manteau.
Le pire dans mon regard voilé.

Je préférais définitivement les samedis soirs avec Winnie l’Ourson.

Elodie Frégé – Son interview exclusive avant son concert au Café de la Danse

Ce soir c’est le grand soir pour Elodie Frégé : elle fait ses débuts solo sur la scène du Café de la Danse. Les représentations exceptionnelles de ce soir et de demain sont à guichets fermés depuis 2 jours. Coxx* l’a rencontrée ce matin pour recueillir ses impressions.

Je lui ai donnée rendez-vous au Café de la Paix à deux pas de l’Opéra, haut lieu de l’activité culturelle parisienne. Elle arrive toute trempée sur son Ciao, le Courrier International sous le bras. Elle s’excuse pour son retard en posant son sac Vanessa Bruno sur la table. Elle commande un café-crème et un croissant. L’interview peut commencer.

TacTac : Alors Elodie, pas trop stressée pour ce soir ?
Elodie : Un peu oui. Mais je me suis préparée physiquement et psychologiquement ce matin à mon cours de Pirates.
TacTac : De Pilates tu veux dire ?
Elodie : Non, non. De Pirates.
TacTac : …
Elodie : Ca vient de Californie. On enfile un pantalon corsaire, un bandeau sur l’œil et on crie « A l’abordaaaaaaaaaaaaage !! ». C’est très stimulant.

(Elodie croque dans son croissant et sourit à pleines dents. Des miettes de viennoiserie sont collées sur sa dentition.)

TacTac : Pourquoi avoir choisi le Café de la Danse pour tes premiers concerts ?
Elodie : Car c’est une salle qui me tient beaucoup à cœur et…
TacTac : Et plus sérieusement ?
Elodie : Car c’est la seule salle que je puisse remplir.
TacTac : Merci.
Elodie : Il faut avouer que 50 places ça va vite, surtout qu’il y aura toute ma famille qui vient de Cosne-sur-Loire en bus, et qu’ils ont pris la cassette des Bronzés pour regarder pendant le voyage, et y’a Tatie Josy qui…

(La sonnerie de la Bamba retentit. C’est le portable d’Elodie qui a reçu un texto. Elle nous excuse un instant.)

Elodie : C’est Benjamin (ndlr : Biolay). Il ne pourra pas être là ce soir. Je vais devoir chanter notre duo avec Nicolas des WhatFor à la place.
TacTac : En parlant de duo, as-tu prévu de chanter “Viens jusqu’à moi” avec Michal ce soir ?
TacTac : Non. La Star Academy c’est loin derrière moi maintenant. Désormais j’ai décidé de travailler avec de vrais artistes.

(Devant nous, un handicapé glisse dans la rue. Cela fait beaucoup rire Elodie. Nous reprenons notre sérieux afin de continuer l’interview.)

TacTac : Deux mois après la sortie de ton album Le jeu des 7 erreurs, quelle leçon tires-tu de cette expérience ?
Elodie : Qu’il est très difficile de combiner succès critique et succès public en France.
TacTac : C’est-à-dire ?
Elodie : Que j’aurais dû coucher avec Arthur pour faire la promo dans toutes les émissions de TF1 et vendre beaucoup plus de disques. Mais je ne m’appelle pas Nolwenn…

(Elle s’arrête un instant, puis rit très fort la tête en arrière et manque de renverser son café sur les touristes britanniques derrière elle.)

TacTac : Bon et bien Elodie, je te remercie du temps que tu nous as accordés. Tous les lecteurs de Coxx* te dise un gros M**** pour ce soir.
Elodie : (Rires.) C’est moi qui te remercie et surtout merci aux lecteurs de Coxxinou.com.
TacTac : Coquecigrue.net.
Elodie : Oui oui c’est ce que j’ai dit. Venez me voir le 26 janvier en concert à la Cigale !
TacTac : Nous n’y manquerons pas.
Elodie : Bonne journée à tous et achetez mon disque !

Les roux sont l’avenir de l’homme

Je me suis toujours dit que si j’avais été hétéro, j’aurais été attiré par des filles très féminines. Non pas par ces filles qui se fournissent chez Claire’s ou Bershka, mais par des filles plus féminines dans leurs attitudes que dans leurs apparats.

Etant homosexuel, je me suis retrouvé attiré non pas par des mecs efféminés, mais pas des mecs dits virils.
Le raisonnement tient la route si on estime que je suis plus un homme d’extrêmes qu’un garçon du milieu…

A l’âge où les midinettes rêvent de Leonardos aux corps d’éphèbes, je rêvais à de grosses brutasses poilues. Et oui, le garçon sensible que j’étais n’était en fait qu’un Lolito : je rêvais secrètement de tripoter le mikilu de bears sentant bon le gymnase.
C’était pas ma faute à moi…

De là découle ma préférence pour certains garçons aux « sourcis » imposants et à « l’anu » rebondi. Ne me servez pas en effet de fluets imberbes car c’est la masse qui m’importe. Sans être pour autant un adepte du “planting”, rien ne me rassure plus qu’un homme qui m’écrase de tout son poids.

Je préfère donc Colin Farrell à Jared Leto, Lincoln Burrows à Michael Scofield, Jack à Sawyer, Mike le plombier à John le jardinier, Robbie Williams à Mark Owen, ou bien encore Filip à Franck.

Mais les temps changent et les goûts avec. Et j’ai pu remarquer ô combien mes goûts avaient évolué. Car aujourd’hui je ne me damnerais plus pour un brun ténébreux, mais pour un véritable suppôt de Satan.
Dans mes désirs les plus inavouables, je rêve d’un beau roux aux sourcils transparents. Je rêve d’une créature aux cheveux de feu et au teint sanguinolent. Je le veux maintenant, dans le feu de mes reins.

Sylvia Plath Attitude :

Herr God, Herr Lucifer
Beware
Beware
Out of the ash
I rise with my red hair
And I eat men like air

Apprivoiser mon cœur

Et non, je n’ai pas piqué ce titre à Chimène Badi ou à une autre chanteuse obèse romantique. Car nous n’allons pas parler de soupe des sentiments mais de boules Quies.
Quoique…

Je dors en position fœtale lorsque ça va pas dans ma tête, ça va pas dans ma tête, ça va pas, ça va pas, ça va pas dans ma tête… Écoute mon frère, ce temps est résolu : désormais je dors sur le dos.

Pourquoi sur le dos et non pas sur le ventre ? Car c’est plus facile pour me prendre ? Vous n’y êtes pas du tout ! Car lorsque je dors sur le ventre, j’entends battre mon cœur.
Et cela me stresse.

J’en ai déjà parlé à des amis pour qui entendre les battements de leur cœur les apaise et les berce. Moi, ça ne me fait que penser à la complexité de la machine humaine et à la possibilité que ce cœur cesse de battre. Je me mets alors à penser au titre Inside de Moby avec tous les afflux sanguins qui rythment ce morceau.
Why does my heart feel so bad ?

C’est pourquoi il m’est très difficile de m’endormir avec des boules Quies. Entendre mon cœur battre provoque en moi un sentiment de claustrophobie.
Oui, vous pouvez rajouter la claustrophobie à mes névroses. Je vais finir par me transformer en le Woody Allen de ce site…

J’ai donc tenté l’impossible hier soir dans le but d’évoluer et de devenir un homme. Comme un homme, être plus violent que le cours du torrent. Comme un homme, être plus puissant que les ouragans. Comme un homme, être plus ardent que le feu des volcans. Secret comme les nuits de lune de l’Orient ! Mulan Powa !!!
Ouais, chuis trop un ouf dans ma tête.

Bref, afin d’affronter les jeux bruyants des chiards du dessus, j’ai tenté de m’endormir avec des boules Quies. D’abord, il y a eu cette impression claustrophobique qui est apparue. Les yeux fermés, je me suis senti comme Uma Thurman dans le cercueil de Kill Bill. Il ne me manquait plus qu’entendre un morceau de Tricky dans ma tête pour que la claustrophobie soit parfaite. Ou m’imaginer dans le tuyau transparent de Fort Boyard. Bref, les premiers instants ont été difficiles.

Puis, je me suis concentré sur ma respiration. Je me suis souvenu de mes cours de théâtre du lycée où Philippe nous apprenait à respirer avec le ventre. Il nous disait : ” Ouvrez votre vagin en corolle “.
Ah non, je confonds peut-être avec un autre truc…
Je me suis donc mis à affronter mes peurs par la respiration.
D’ailleurs, ça me fait penser que si toutes les blondasses des films de séries Z – tiens, le mot « blondasse » existe dans le dictionnaire Word – se mettaient à respirer profondément lorsqu’elles croisent un serial killer, elles nous épargneraient bien des décibels inutiles.
Je me suis alors mis à oublier les battements de mon cœur.

Et dans cette douce léthargie, j’ai juste eu le temps de constater une dernière chose avant de m’endormir : mon cœur obéissait à ma respiration.
Le cœur se pliait à mes volontés. Je pouvais enfin le dompter. L’apprivoiser. Ne plus le laisser maître de tous mes agissements. Le cœur s’inclinait pour la première fois devant ma pensée.

Et lorsque j’ai senti l’autre jour que je finirais encore par m’attacher à un garçon sans rien obtenir de lui, j’ai préféré cesser de le voir plutôt que de reproduire un schéma répété jusqu’à l’usure. Ce n’est peut-être qu’un battement de cœur pour vous, mais c’est un afflux de sang pour moi.
Finalement, on grandit.