La ligne 14 (12/16)

J’arrivais enfin devant les bons locaux des éditions Flammarion place de l’Odéon. Ça fumait des cigarettes devant la porte d’entrée entrouverte. Avec assurance, je demandais à passer et entrais naturellement dans ces locaux où aucun hôte d’accueil ne siégeait. Les locaux éditoriaux de Flammarion ressemblaient à une ancienne maison ornée de boiseries et au centre de laquelle régnait un vieil escalier. Je le gravissais immédiatement bien évidemment. Je croisais quelques personnes dans les couloirs, mais personne ne semblait considérer ma présence comme étant étrangère. Je circulais au sein de Flammarion comme un membre de la maison. Je finis ma demander ma route : « Excusez-moi, où se trouve le bureau de Monsieur Robert, s’il vous plaît ?

– Le bureau de qui ? Ah, de Guillaume ? C’est au fond. »

Je traversais lentement ce long couloir aux murs recouverts de livres et passais devant quelques bureaux sur lesquels s’empilaient romans et essais. J’arrivais au bout de mon aventure ; je frissonnais. Je me plantais face à celle qui semble être son assistante. Elle mit quelques instants à lever les yeux de son ordinateur, puis après m’avoir examiné, étonnée, elle me demanda : « Oui ? En quoi puis-je vous être utile ?

– Bonjour. Je cherche Monsieur Robert.

– Oui ? Et vous êtes ?

– Je suis la Ligne 14. », déclarais-je avec un très large sourire. Son visage s’illumina : « Non ? C’est pas vrai ? C’est vous ? Vraiment ? C’est vous qui lui avez envoyé ces lettres ? Mais vous savez qu’il ne parle que de vous depuis des semaines. Et d’ailleurs tout le monde ne parle que de vous depuis des semaines ! »

Elle n’aurait pu me rendre plus heureux.

« Bon, attendez, je vais le chercher. Vous restez là, hein ? Vous voulez boire quelque chose ?

– Non, ça ira, merci.

– D’accord, très bien. Je vais le chercher. Ne bougez pas. »

Elle partit le chercher pratiquement en courant au fin fond du couloir. J’entendais que ça commençait à s’agiter dans les bureaux : « C’est lui. Non ? Qui ça ? Mais tu sais, le garçon du métro ! Non ? C’est pas vrai ? Si c’est lui ! Attends, je vais aller le voir. Non, il cherche Guillaume. Bah oui… D’ailleurs il est où ? Où est-il Guillaume, bon sang ? » Quelques têtes se levaient discrètement de l’encadrure des portes pour m’entr’apercevoir au loin, puis disparaissaient prestement dès qu’elles constataient que je les avais remarquées. J’étais devenu la Curiosité. Je décidais de regarder ailleurs, d’enregistrer le plus longtemps possible dans ma mémoire tout ce qui m’entourait : les papiers dispersés sur les bureaux, les affiches de dédicaces… Que pouvait donc d’ailleurs renfermer le bureau de Monsieur Robert ? La porte était ouverte, je regardais rapidement au loin dans le couloir pour voir si quelqu’un pouvait me voir y entrer. Non : j’y passais la tête.

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