L’Inconnu de l’Est-Express

Je ne vois pas pourquoi je me fais chier à mettre un costard tous les matins si c’est pour arriver en nage au bureau !
La ligne 3 n’est pourtant pas la plus bondée du réseau. Et ne parlons pas de la 3 bis qui fait office de métro privé par son absence de strapontin (qui se battrait pour s’asseoir le temps de quatre stations ?) et sa température avoisinant la climatisation de la Jaguar de mon père.
Non, la cause de mes sudations matinales c’est lui : l’Inconnu de la ligne 3.
He makes me horny.

Je sais bien qu’il m’a remarqué à force de me croiser tous les matins sur la 3 bis. Et puis avec mon petit carnet gribouillé, je ne dois pas passer pour le plus discret des voyageurs. Quoique les jours où la vieille peau en trottinette et treillis descend à Gambetta, je me fais largement voler la vedette par Miss Gambettes.
Mais lui, l’Inconnu de la ligne 3, reste discret.

Certains jours en costume, d’autres en jeans et sweat à capuche, l’Inconnu de l’Est-Express aime à varier les genres. De toute façon, il porte tout à merveille. Le seul élément qui dénote véritablement dans sa tenue est son énorme casque audio. Surtout lorsqu’il le porte avec son costume. Le décalage entre le businessman et celui qu’il est dans la vraie vie est tel que je me mets à fondre, littéralement.

A 8h30, Amélie Poulain fond littéralement devant Nino Quincampoix.
A 8h30, TacTac fond littéralement devant l’Inconnu de l’Est-Express.

Je n’ai pas pu partager avec lui le même wagon aujourd’hui, tout comme hier. Ce n’était pas physiquement possible. C’est un choix, personne ne s’est interposé entre nous au moment de monter dans le métro. Je ne m’y étais juste pas préparé.

Il est dans le wagon à côté à l’heure où j’écris ces mots. Je pourrais l’entr’apercevoir à travers le hublot mais je ne suis pas psychopathe à ce point. Et puis, de toute façon, il ne me cherche pas du regard. Pas aujourd’hui.

Car il m’a déjà cherché du regard. Ce matin-là, il m’a cherché sur le quai ; j’en ai l’intime conviction.
Probablement pas parce qu’il est gay et que je lui plais. Non, ça je ne le pense pas ; je préfère rester terre-à-terre dans mes rêveries. Il m’a sûrement cherché du regard comme par jeu, comme si ma présence le rassurait, comme si je le confortais dans ses habitudes matinales. Car j’ai lu le soulagement dans ses yeux lorsqu’il m’a trouvé. Comme s’il manquait quelque chose à sa journée sans ma présence sur ce quai.

Car même si je ne me réveillerai jamais dans ses bras, je pourrai au moins dire ça : je suis indispensable aux matins de l’Inconnu de l’Est-Express.

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