Pour l’amour de Dieu

Je ne vais plus à la messe depuis les funérailles de mon grand-père. Le fiasco était tel ce jour-là que j’en garde un goût amer. Et puis surtout, j’ai du mal avec les hommes d’Eglise.
Je reste croyant. Je crois profondément en Dieu et le prie de temps en temps de façon totalement désintéressée. Mais j’ai juste un peu plus de mal avec les hommes. C’est assez compréhensible.

Pourtant le culte catholique présente de bons côtés comme la confession qui apporte un véritable soulagement à celui qui la vit intensément. Enfin, ça reste vrai à la sortie du confessionnal ; car avant c’est un véritable calvaire.
En effet, le prêtre en face de vous peut se révéler plus indiscret et sadique que tous les interviewers de la télé-réalité. Dans ce confessionnal-là, ce n’est pas des éval’ ou une performance à la piscine que l’on juge, c’est une vie toute entière.

Je détestais me confesser comme tout Catholique un tant soit peu équilibré. Mais je jouais le jeu à fond. Donc, si j’avais fait des horreurs, je devais les avouer.
Le vol de bonbons à l’Arabe du coin ? Les aveux seraient difficiles mais je m’y tiendrais. J’avais trop menti à ma famille ? J’allais aussi en faire part au prêtre qui me confesserait. Avouer que j’avais regardé un film crypté sur Canal + en agitant une passoire devant mes yeux ? Allez, pendant qu’on y est… Parler de mon attirance pour les garçons ? Non mais ça va pas la tête ?? J’avais rien fait avec un autre garçon donc il était hors de question d’en parler. En plus ça risquerait d’exciter mon confesseur…

« Etes-vous marié ?
– Heu non mon père… D’un autre côté j’ai 17 ans…
– Donc vous n’avez pas trompé une seule fois votre femme ?
– Je viens de vous dire que j’avais 17 ans…
– On peut tromper sa femme à 17 ans aussi. Beaucoup d’hommes ont des aventures et vous savez ce que la Bible dit de l’adultère ?
– Oui mon Père. Mais je ne suis pas marié !
– D’accord. C’est bien de ne pas avoir commis le pêché d’adultère.
– …
– Et est-ce que vous vous masturbez ?
– Hein ??
– Alors ?
– Bah non.
– Jamais jamais ?
– Bah non. Jamais jamais.
– Vraiment ?
– Oui.
– D’accord… C’est bien. »

Et là, j’étais partagé entre deux sentiments.
Entre le dégoût pour un homme d’Eglise qui cherchait sous sa soutane à connaître des détails malsains de ma vie sexuelle.
Et entre une certaine honte de ne pas avoir commis un pêché qu’il semblait normal de commettre. Le prêtre semblait si étonné que je ne me sois jamais masturbé, que j’en avais déduit que j’étais anormal. Il fallait croire que tous les membres de cette paroisse s’étaient déjà astiqués le poireau. Ou du moins, tous les jeunes hommes de 17 ans qui s’étaient confessés à Dieu. J’étais donc anormal. J’étais donc différent de tous ces petits Versaillais qui venaient prier Dieu à Saint-Symphorien. Il fallait donc que je commette ce pêché pour leur ressembler : je devais donc m’adonner à la branlette pour l’Amour de Dieu.

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