« Non mais c’est qwoaaaaa c’blaireau sur l’podium ?
– T’as vu comment il danse ? On dirait un handicapé.
– Mais pourquoi il danse avec les deux bras en bandoulière ?
– Apprend à déplier les bras mon gars !
– Laet’ tais-toi ! On va s’faire remarquer !
– Ouais et après c’boulet va croire qu’on l’drague !
– Quelle ho-rreur !
– J’parie qu’il est encore puceau.
– Tu m’étonnes…
– Dîtes les filles, c’est pas le même mec qui dormait tout à l’heure à côté de la grosse ? »
Oui, c’était bien moi qui m’étais endormi à côté d’une grosse sur les fauteuils du Duplex. Et elles avaient également raison sur le fait que j’étais encore puceau à 18 ans, et que j’étais dans l’incapacité de déplier mes bras.
C’était l’été où je bossais à La Défense. Je m’occupais de trier le courrier des expatriés d’un grand groupe pétrolier français (on se demande bien lequel…). Autant dire que je me faisais profondément chier et que je n’hésitais pas à ouvrir délicatement les cellophanes des Studio Magazines qui passaient entre mes mains afin de les feuilleter.
Ce midi-là j’avais décidé de tester la salle de sport de la Tour où je bossais. Vu les darons qui y traînaient, je ne complexais nullement sur mes muscles inexistants. Allez hop on était parti !
Une, deux, une, deux ! Altères. Hop, hop, hop ! Truc machin chose qui me fait soulever des poids. Voilà. Et puis ce bidule-là aussi, ça a l’air bon pour mes bras. J’avais l’impression d’être dans une pâtisserie du sport où je demandais à un serveur imaginaire de me servir plein d’exercices différents sur un plateau. Et comme dans une pâtisserie orientale, je ne connaissais aucun nom de ces mets incongrus.
En tout, j’avais du passer presque une heure à développer mon futur corps de rêve. A ce rythme-là et en y allant tous les midis, je serais beau comme un camion sur les plages en août.
Et en effet mon corps se transforma en quelques clics d’haltères, puisque dés l’après-midi je sentis mes biceps se raidir. Subissais-je une mutation génétique accélérée comme le jeune Spiderman ? Devrais-je prochainement remplacer toutes mes chemises comme l’incroyable Hulk et prendre une carte de fidélité chez Zara Homme ? Non, je développais tout simplement une tendinite au bras droit.
Quel con, non mais quel con ! A vouloir trop soulever, je ne pouvais même plus soulever le loquet de la porte qui me retenait à mon bureau. Le soir-même, mes potes se foutèrent bien de ma gueule malgré le coude valide qui me servait à lever les verres.
L’après-midi suivant, je me rendis au centre commercial Parly II avec mes parents. Et tout en essayant une paire de baskets, je dus appeler d’urgence un vendeur : « Excusez-moi jeune homme, mais heu… J’ai comment dire… Un léger problème. »
J’étais également devenu incapable de déplier mon bras gauche. Je me retrouvais avec une double tendinite qui m’empêchait de nouer mes lacets. Les deux bras repliés, je me retrouvais invalide et dans l’obligation de demander de l’aide à un vendeur pour chausser mes baskets.
Je vous présente Cendrillon l’handicapée.
« Non mais sérieux quoaaa, il a l’air trop con ce mec avec les bras repliés sur le podium !
– Je sais pas. T’as vu comme il rigole avec ses copains ? Il a l’air heureux comme ça finalement. »