On doit toujours rêver

Arthur m’a dit : « Si tu le tournes bien, ça peut faire un bon post. » J’ai donc la pression.

Mais pas autant que samedi soir lorsque je me suis aperçu qu’il était là.
« Il est là ! Il est là ! Il faut absolument que t’ailles lui parler », m’ont-ils tous dit.
Je suis allé me chercher un kyky-coke pour me donner du courage. Puis un autre. Et un autre. Au bout de mon demi-décalitre de pur Malt coupé à du faux Coca et de ma trente-sixième cigarette, j’étais enfin prêt à aborder.
Mais pour lui dire quoi au juste ??

« J’adore c’que tu fais ! » : entendu mille fois.
« J’ai tous tes albums ! » : ça fait tâche, surtout lorsque le gars n’en a sorti qu’un.
« Je suis un de tes plus grands fans ! » : effrayant.
« Tu danses ? » : ringard.
« Rejoins-moi dans les toilettes. » : Peut-être un peu trop direct…

Ikare a pris les derrières pour moi : « Allez, on va le voir !
– Mais heu pas maintenant, il fait trop chaud… ».

« J’ai adoré ta reprise de Moule sentimentale. »
Il faut préciser que la musique de la soirée cachait un peu la nature de leurs propos. Mais a priori, Ikare et lui avaient beaucoup de points en commun à en constater leurs éclats de rire. Et ça, ça m’a un peu agacé.
Mais Ikare est mon Ikarchoo à moi et il est kromimi-choopynoo-guylyguyly, et c’est pourquoi il m’a subtilement refilé la patata caliente : « Et là tu vois, c’est un pote qui est fan de ce qu’te tu fais ! J’vous laisse enseeemble ! »

Noooooooooooooon !! Pas comme ça Ikaaaaaaaaaaaaaare !!
Pas en lui disant que je suis fan et que j’adore c’qu’il fait !!

Mais le garçon était charmant et avait autant de discussion qu’à la télévision. Lorsque je n’enchaînais pas de peur de faire ma Susan Mayer, lui me relançait sur mon prénom, nos racines communes, ce restaurant où je l’avais aperçu sans oser l’aborder, et même sur mon métier qui avait l’air de l’impressionner ! La discussion se passait bien, très bien même.
Et pourtant je l’ai interrompue.

Now that I’ve met you
Would you object to
Never seeing each other again

Magnolia n’est pas un de mes films préférés pour rien. Evidemment qu’il y a Julianne Moore dans la pharmacie, mais il y a surtout Claudia qui se refuse à l’amour.
Jim le policier lui propose son amour dans un restaurant de LA. C’est beau, trop beau pour elle qui ne peut accepter une telle chose de peur de la salir, de la souiller. C’est pourquoi elle préfère mettre un terme à leur discussion, pour que le souvenir reste intact, encore plus beau que l’amour qu’ils auraient pu vivre ensemble. Entr’apercevoir le bonheur lui suffit, le ternir ne serait-ce qu’un instant lui serait insupportable.

C’est pour cette raison que j’ai mis un terme à la discussion avec le chanteur, lui dont les textes me font autant frissonner que son grain de voix. Pour ne pas prononcer de mots que j’aurais ensuite regretté. Pour que le souvenir reste là, intact, dans ma mémoire.

Lorsque je l’ai vu reprendre ses affaires au vestiaire, je me suis juste autorisé à lui dire au revoir. Le temps d’apprendre qu’il sortira au printemps prochain de nouvelles chansons, lorsque les magnolias refleuriront, et qu’alors peut-être nous nous connaîtrons, lui et moi, le chanteur qui me donne des frissons.

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