Enceint jusqu’aux bleus

J’étais là tu vois, elle à côte de moi, on avait 26 ans, on dansait comme des enfants au concert. Au concert.
J’étais là, je voyais sur son corps le ventre, la robe, le bleu. J’en croyais pas mes yeux. Mes yeux.
Et elle qui me disait « J’suis une dure. Tu vois l’ventre là plus bas. J’le sens pas. J’le sens pas. »
J’étais là, j’ai rien dis. Et puis j’suis parti d’chez Zazie. Si je l’ai engueulée ? Ca jamais. Ca jamais.
Cette fille était enceinte, là, dans la fosse. Elle en était fière. Elle était fière d’être conne.

De gueuler « Zaziiiiiiie ! » au beau milieu des passages émouvants.
Et surtout de porter son enfant dans la tumulte et la nuisance.
De lui brûler les oreilles avant qu’elles ne soient formées.
De risquer de le blesser ou même de le tuer dans un mouvement de foule.

Et moi je l’imaginais dans mon ventre.
Je me suis imaginé enceint.

Je portais un enfant dans mon ventre et je me disais : Jamais je ne lui ferais subir ces cris-là, cette enceinte géante au dessus de nos têtes qui risquerait de s’effondrer.
Alors oui c’est facile de penser pendant deux minutes qu’on serait un meilleur parent qu’un autre, qu’il faut vivre aussi et qu’on ne peut pas être constamment aux aguets car de toute façon « ils leur arrivera toujours quelque chose dés qu’on aura le dos tourné ». C’est vrai, mais 9 mois ce n’est pas toute une vie.

Pourquoi « Jessica, 15 ans, alcoolique » aurait-elle le droit d’avoir un enfant et pas moi ?
Qui peut dire qu’elle fera une meilleure mère que moi ou que ce jeune couple hétérosexuel sans le sou ?
« Il faut qu’il grandisse dans les meilleures conditions possibles. »
Tu les connais toi les conditions d’une vie réussie ? Tu les connais toi les clefs du bonheur ?

Quelqu’un a-t-il interdit à « Jessica, 15 ans, alcoolique » de devenir mère ?
Non. Alors pourquoi me l’interdirait-on ?
J’étais là et je n’ai rien fait.

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