Dans le silence de Mylène Farmer

Mon grand-père – célèbre avocat et journaliste barcelonais – fut emprisonné par Franco en raison de ses idées socialistes. Ma mère m’a notamment raconté comment la Garde Civile Espagnole vint fouiller l’appartement familial de la Calle Pelayo et comment elle l’avait taxé de pornographe. En effet, la présence d’une femme nue en couverture d’un de ses recueils de poésie relevait forcément de la pornographie…

De là découle un des nombreux préceptes de mon éducation : le fait de pouvoir tout lire depuis mon jeune âge.
Si je voulais découvrir la pornographie par la lecture, il n’y avait aucun problème. Bien entendu, j’ai fait comme tout le monde et je l’ai découverte par les films cryptés de Canal + ; films que j’essayais de décoder en regardant à travers une passoire. Néanmoins – et bien que je refuse de les assimiler à des œuvres pornographiques – mes parents m’ont laissé lire tranquillement L’Amant de Duras et Lolita de Nabokov sur le canapé du salon.
J’ai donc toujours pu lire tout ce que je voulais à la maison.

Il n’en était pas de même pour la musique…

Je me souviens en effet qu’il nous était interdit d’écouter une chanteuse en particulier. Mon père la trouvait glauque et vulgaire. Elle passait son temps à se dénuder dans les cimetières et à se moquer des dogmes chrétiens. Il m’était donc interdit d’écouter Mylène Farmer lorsque j’étais petit.
Je me souviens notamment d’images du temps de Louis XIV où une jeune femme montrait ses fesses dans un clip du Top 50. Marc Toesca avait pourtant l’air enchanté.
Je me souviens aussi des 20 ans de la fille de la voisine où le DJ avait passé le numéro 1 du TOP 50. Ca s’appelait Désenchantée. Quand le morceau est passé, tout le monde s’est mis à danser à l’exception de ma famille ; c’était comme si on s’interdisait de danser sur ce morceau que mon père jugeait « nul ».
J’ai bien été éduqué dans le silence de Mylène Farmer.

Pendant mon adolescence, à chaque fois que j’écoutais certaines chansons que je savais commerciales, mon frère venait dans ma chambre se moquer de moi : « Boouuuuh !!! Il écoute Peter Kitsch ! Trop la honte !! ».
Je devais alors acheter en cachette mes singles d’Aqua et des Spice Girls, les enregistrer sur K7 et les écouter faiblement sous ma couette. Au contraire, je devais écouter bruyamment mes albums de Björk, des Fugees et de Radiohead.

La dernière fois, cela m’a attristé lorsque mes parents et mon frère sont venus chez moi et qu’ils se sont moqués de mes CDs. Ils ont fait remarquer bien fort à ma mère que j’avais les albums de Nolwenn Leroy et de Britney Spears. J’ai alors cru que j’allais pleurer de rage devant Coloca.
Lorsque mes yeux se sont embués en cachette dans la cuisine, ce sont des années de dissimulation musicale et sexuelle qui avaient envie d’exploser en plein jour. Mais rien n’est arrivé ce jour-là ; la sortie du placard musical s’est produite plus tard.

C’est pourquoi je n’accepte plus qu’on critique mes goûts musicaux.
Oui j’écoute des trucs intelligents comme Philip Glass, Radiohead, Placebo et Muse.
Mais j’écoute aussi Patxi, Elodie Frégé et Séverine Ferrer. Et je le revendique !
J’ai besoin d’écouter ce genre de musique. Les morceaux que j’écoute dans la journée correspondent à des besoins précis, à des humeurs.
Et puis j’ai toujours considéré comme louches les gens qui n’écoutaient que de la musique intelligente, que de la « bonne musique ».

Mes amis l’ont bien compris, et c’est pourquoi ils ne s’étonnent plus de voir s’enchaîner Nolwenn et Haendel sur mon MSN.
Aujourd’hui, je vis dans la Sarabande Ohwo !

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