Aux Champs Elysées

J’habite la plus belle ville du monde. Ou du moins, réputée comme telle. Et pourtant rien ne m’empêche de m’y sentir triste.

Je travaille à deux stations des Champs Elyseés, la plus belle avenue du monde. Je pourrais y aller tous les jours en me disant ô combien j’y suis heureux, en me demandant combien de personnes au même moment sur la planète rêverait d’y être comme moi je peux rêver du Taj Mahal ou de la Cinquième avenue. Et pourtant.
Et pourtant en sortant de Franklin Delano Roosevelt je pense parfois à ce garçon « avec qui j’ai ». Rien de plus, alors que je pourrais penser à tout ce qu’il y a eu de mauvais entre nous. Je pense juste à lui, et ça me terrifie.
Parfois je suis terrifié sur les Champs Elysées.

Mais pas tout le temps.

Je me sentais victorieux ce soir-là sur les champs dorés, certain de la fin d’un long cycle. Quelle que fût l’issue de l’entretien professionnel que je venais de passer, je me sentais plus fort, certain de ma victoire sur le temps. J’étais devenu un homme entre temps. Un adulte. Un homme rond, dur. Comme une pomme. Je ne savais pas encore qu’être adulte n’est que la capacité à pouvoir vivre seul.
Toute seule la pomme dans la glotte. Il est loin le Paradis du Fruit sur les Champs Elysées.

Et puis il y a ce soir, où je sors de mon travail et m’aventure sur l’avenue maudite. J’ai enfin le poste que je voulais dans une entreprise qui me plaisait. Je ne suis pas en haut de la montagne, je suis sur une colline. Mais même si j’étais sur les cimes, je pense que je ne pourrais pas voir ce que se cache, là-bas, derrière l’horizon. La concrétisation d’un rêve n’enlève pas la tristesse, elle l’atténue à certains instants par des touches de joie. La joie touche ma tristesse. Le bonheur se trouve dans la sensation.
Le bonheur se trouve dans cette descente, des Champs Elysées. Le courant sur les tempes, les touristes affalés. Descendre les courants alizés pour se donner l’illusion d’avoir fait quelque chose de sa journée. Velléité. Je n’aurais fait que travailler et écrire ce billet. C’est déjà pas mal, déjà pas mal de travailler à deux pas des Champs Elysées.

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