J’aime croire que mon premier souvenir date des Buttes Chaumont.
Printemps 81, on assassine Reagan et Jean-Paul II mais ma mère décide de me sauver. Sa gynéco lui avait dit que je serai 21, que je serai mal en point, que je serai mongolien. Sa gynéco a eu tort et je suis venu fort. Je suis venu victoire et Victoire aurait été mon nom si je n’avais pas été garçon.
Sa gynéco est ma marraine.
Il y a des choses qui ne s’expliquent pas.
Printemps 81, mon grand-père filme ma mère. Et sur les bandes délavées les couleurs ont bien palis. Mais le sourire est radieux sous les cheveux roux, les branches des arbres sont évanescentes mais la joie palpable ; je suis dans son ventre, son ventre énorme qui lui cache les pieds. Aucune ombre au film.
Eté 08, je ne me sens pas bien, une angine à la con me fait tourner en rond. Je ressasse des pensées et reste à ruminer. La vache je suis drogué. Des heures à chatter, des heures intoxiquées à perdre mon temps, à le perdre vraiment. J’essaie de me dire que ce vide me restera : comme une force, comme un trait, comme une possibilité contre l’ennui. Et pourtant aujourd’hui je reste là sans rien faire. Ce texte pour témoigner, c’est peut-être assez.
Eté 08, je me rends Buttes Chaumont. Une évidence des jours trop cons. Une évidence de se rendre là si on considère mon avant-moi. Si ses promenades enlacées sont lovées comme j’étais bébé. Dans son ventre, ventre. Bercé, bercé.
Et soudain la pluie.
Et soudain avenue Michal, je m’aperçois qu’il est bien là, que je l’écoute comme je le sens et Elodie me chante doucement « Viens jusqu’à moi ». Mon iPod est bien ironique et le sourire attendu arrive. Là. Lentement. Sur mes lèvres, pendant longtemps.
Puisque le temps est subjectif, perdre son temps c’est p’têt’ un kif.