Le poète aux pieds puants

Le couloir qui relie la 11 à la 1 est comme une caverne. Les murs en sont des peintures et les hommes des allégories platoniciennes.

Barbu au crayon gris, pieds puants mais traits tonitruants, un homme vit sous terre mais écrit aux cieux. Sur les affiches de Surcouf et des Saints-Valentin aux lagons bleus, ses mots noircissent les paysages. Mots durs, mots rêveurs, ce travail acharné fait peur. La robe de mariée devient veuve lorsque les phrases obscurcissent la dentelle. Les mots comme des apparats, les mots comme des surpiqûres, et quand il y en a trop ça fait fioriture. Mais parfois ça fait mouche dans le cœur du puant. Lorsqu’il transforme le Soldat Rose, avachi, effondré, sous le poids de son Paradis. Ou ce « J’aime beaucoup ce que vous faîtes » qui prend une autre tête lorsque sa plume s’y arrête.
Les toiles déchirées mais sous les papiers la rage.

Ils auront beau arracher, recoller et annuler, il continuera à écrire et à écrire. Comme un acharné, se moquant des gens autour le crayon à la main. Les mots sur les lèvres il trouvera le rythme. Alors qu’importe les regards curieux qui n’auront qu’en tête le mot « fumeux », puisqu’au fond il s’accomplit. Il s’achève tous les jours, se concrétise et se réalise. Un épanouissement aux pieds puants certes, mais le chardon éclot aussi. Pas moins ardent que la rose, juste un peu moins noble. Mais au final qu’importe le parfum tant que la graine est là. Et elle le restera.

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