Je téléphonais même à l’audiotel de M6 avec le portable du bureau de mon père. Je voulais absolument les entendre fumer leur cigarette dans le jardin. J’étais tellement à fond dedans en 2001. Je passais mes huit heures d’exams quotidiens de concours d’entrée aux grandes écoles de commerce puis, lorsque j’en avais fini de disserter sur Ricardo et Friedman, je filais chez moi retrouver Kenza et Kimy.
Peut-être est-ce du à mon ambition journalière de magnifier le banal que le Loft me parlait autant ? Ou peut-être est-ce parce qu’il me permettait de découvrir certaines sensations absentes de ma routine versaillaise ?
Comme le manque de sexe.
J’ai parfois l’impression que mes posts sont un peu comme les épisodes des Simpson : on pense que ça va partir dans telle direction alors que ça finit par s’aventurer dans un territoire totalement différent. Un peu comme lorsque l’épisode commence par Bart dans la fête foraine et se finit par Homer qui boit une Duff géante avec le Premier Ministre japonais. Bah chez moi c’est un peu pareil : dans ce post, j’ai plus envie de vous parler de sexe que de Loft Story.
« Rholala… J’suis en manque… J’ai vraiment envie de…
– Tût ! Tût ! Mais t’es vraiment une salope toi ! »
C’était Julie la salope et c’était Philippe l’intello qui avait choisi ces mots. Et c’était moi qui étais un peu décontenancé par ce que je venais d’entendre.
En manque de sexe ? Qu’est-ce que ça pouvait dire ? Ce n’était pas avec mes intrusions masturbatoires du dimanche soir devant le téléfilm de MSuce que j’allais connaître ça. Comment voulez-vous que je trouve excitant une nana qui pousse des cris ridicules parce qu’elle se fait soi-disant prendre par un mec aussi viril que moi ? Avec l’image un peu nébuleuse dans un loft parisien, le saxo derrière, le bassin du garçon au niveau du ventre de la fille qui avait gardé sa culotte couleur chair bien sûr ! Absolument pas crédible !
Non non non, je ne pouvais pas connaître le plaisir animal de celui qui est en manque de sexe. C’est un scandâââââle ! On ne peut pas bander dans ces conditions !
Julie du Loft ne pouvait-elle donc pas réprouver son besoin de sexe ? Ces gens qui ne cherchaient qu’à baiser ne pouvaient-ils pas penser à autre chose ? Comme faire des macramés par exemple ?
Et bien non. Car il semblait que le sexe était comme le kite surf : une fois qu’on y avait goûté, on ne pouvait plus s’en passer – ça c’est Loïc Le Meur qui le dit, car moi à part le Space Mountain je ne suis pas trop sports extrêmes.
Mais les choses ont bien changé depuis 2001 puisque je préfère aujourd’hui me faire propulser au septième ciel par un gentil astronaute que par une rutilante fusée de la Fête à Neuneu.
Enfin, je parlerais plus d’hier que d’aujourd’hui…
Je crois que je peux le dire : je suis un mauvais coup.
Oui je sais, c’est la fin d’un mythe. Un peu comme si Ikare révélait qu’il est hétérosexuel, que Garoo avouait qu’il n’a pas dépassé le niveau 2 de Tetris ou que Matoo se faisait chopper en train de copier une chronique de film dans le Journal de Mickey. Ouais, je sais, c’est moche.
Mais ce n’est que passager.
Car j’ai adoré le sexe et je le faisais bien comprendre. J’ai vu l’orgasme sur leurs visages. A lui, à lui, à lui, mais aussi à lui. Au brun, au blond, au poilu, au musclé, au chauve, au gros, au New-Yorkais, au Thaïlandais, au Syrien, au Black ; oui, tous je les ai fait. Et ils aimaient ça. Ma façon de les embrasser délicatement puis de finir de la plus excitante façon. Mais las je suis là.
Et ils le sentent. Le petit minet la dernière fois, et lui aussi dans mon lit, et le jeune cadre marseillais. Oui, j’ai été nul.
Parce qu’autrefois ma tête demandait à ma queue de se calmer, mais ma queue n’en faisait qu’à sa tête. Alors qu’aujourd’hui ma tête n’a plus besoin de le demander à ma queue qui s’exécute d’elle-même. Ma libido n’a ni queue ni tête.
Car je passe à autre chose au lieu d’être la chose qui passe. De mains en mains on ne me porte plus ; je me porte tout seul. Comme un grand. Comme un adulte ? Peut-être, bientôt.
En attendant, je suis très fier d’être un mauvais coup. Car je suis le mauvais coup des Mauvais, en attendant d’être le bon coup du Bon.