Il faut savoir qu’à cette époque c’était plutôt Julie qu’on invitait aux soirées. Et qu’ensuite c’est elle qui nous y incrustait.
Alors lorsque Laura m’invita personnellement à sa soirée en me permettant d’y incruster des amis, je n’hésitai pas une seule seconde à proposer le plan à Julie et à ma bande de potes.
Le problème c’est que Laura avait sorti ça à toute le monde :
« Je fais confiance aux gens que j’invite, donc je fais confiance aux gens qu’ils invitent. »
Très mauvais raisonnement.
Car en dehors du fait que Julie et les autres y avaient également été indirectement conviée par une autre personne, tous les gens cool du Lycée Hoche comptaient passer à cette soirée.
Soit à peu près 200 à 300 personnes.
A cette époque je portais des t-shirts oranges hyper moulants de très bon goût et la plupart des garçons de mon lycée s’était décoloré les cheveux après avoir vu Trainspotting. Mes parents m’avaient autorisé à le faire mais m’avaient mis en garde que mon brun foncé virerait au roux foireux. Alors lorsque Jean-Guilhem débarqua un lundi matin avec les cheveux couleur carotte, je renonçai à mes extravagances capillaires.
Nous arrivâmes donc à la soirée de Laura vers 21h30 avec des t-shirts XXS pour les garçons et des salopettes Pimkie pour les filles. L’ambiance n’était pas encore au rendez-vous. On entendait Ton invitation de Louise Attaque recouvert par un mec qui jouait Wonderwall à la guitare. Dans un coin du salon, les deux pseudo racailles de mon lycée élitiste versaillais roulaient un joint sur le CD de Sinsemilia. Quelques mochetés essayaient de se faire draguer dans la cuisine en vantant le dernier Portishead. Et Laura était déjà bourrée dans son filet de pêche qui lui servait de haut.
Vraiment ça craignait comme ambiance.
Avec Julie, Jérôme et les autres, nous décidâmes alors de nous casser quelques temps à l’Ascott pour danser un peu et revenir chez Laura lorsque l’ambiance serait établie.
Je jetai un dernier coup d’œil à la moquette beige de l’appartement avant de claquer la porte.
Vraiment c’était toujours aussi nase l’Ascott. Mais bon, on s’était quand même bien marré sur Paradisio. Et surtout on avait un peu picolé.
C’était donc l’ivresse dans le sang que nous réapparûmes chez Laura.
Mais merde, c’était quoi ça ? Un champ de bataille ??
On ne reconnaissait plus du tout l’appart’. Quelques 200 personnes s’y étaient déjà montrées, le temps de retirer chacun à leur tour une pierre à l’édifice.
Ici c’était une tâche de vin sur le tapis, ici un carreau pété, là des livres par terre, ici un trou de boulette dans la moquette, là un autre trou de boulette… En fait, y’avait que des trous de boulettes partout ! L’appartement s’était transformé en un terrain de minigolf qui dépassait largement les 18 trous.
Mais le pire ça restait la cuisine. Je ne sais pas comment ils y étaient arrivé, mais y’avait des traces de pieds au plafond. Oui oui, comme dans les films. Des Nike et des Reebok écrits partout sur le plafond.
C’est à ce moment-là que j’entendis des cris dans la chambre des parents de Laura.
On m’apprit en quelques minutes qu’après avoir embrassé 3 ou 4 mecs, Laura était partie gerber rose dans les chiottes à cause du tarama. Puis qu’ensuite elle avait badé à cause du shit en voyant l’état de son appart’. C’est que sa mère et son beau-père rentraient de week-end le lendemain et qu’elle ne les avait pas prévenus qu’elle organisait une soirée.
Elle avait alors décidé de se jeter par la fenêtre du 6ème étage mais Anne-Laure et Olivier le lui avaient empêchée. Elle s’était alors mise à pleurer dans les bras d’Olivier et l’avait remercié en lui roulant une pelle. C’est con, c’était son meilleur pote.
Le trait de crayon dégoulinant des yeux, elle déambulait désormais dans le salon sur Virtual Insanity.
A priori le Vaporetto ne suffirait pas à camoufler les trous de boulettes.
« Y’a un trou dans la moqueeette !! Laissez-moi sauteeeerrrr !!!!! » n’arrêtait pas de gueuler Laura.
Ses amis commençaient à perdre patience…
Avec Julie, nous nous approchâmes alors de la fenêtre pour demander à Laura de remettre sa tentative de suicide à un autre jour. Nous déballions des arguments bien peu convaincants : « C’est pas grave, c’est matériel tout ça ! Ta mère et ton beau-père vont peut-être un petit peu t’engueuler, mais tu verras qu’au final t’en rigoleras ! ».
Par je ne sais quel miracle, Laura finit par se calmer. Mais avant de mettre un terme à la discussion, elle ajouta cette dernière phrase tout en séchant ses larmes : « Ouais mais la moquette quand même, j’crois bien qu’elle est foutue… ».
Ce à quoi Julie répondit sans réfléchir : « Oh bah t’es pas encore allée jeter un coup d’oeil à la cuisine alors ! ».
La réaction de Laura ne se fit pas attendre :
« Ma cuisine est moooooorte !! Laissez-moi sauteeeerrrr !!!!! ».
Je regardais Julie et soupirais.