Je fus réveillé par ce texto de Maggy en début d’après-midi.
Il est vrai que nous avions fait un peu n’importe quoi la veille. Eve avait notamment des bleus sur ses fesses à cause de mes coups de fouet intempestifs.
La veille se déroulait en Belgique une soirée que les étudiants de mon école de commerce nomment Dell’Arte. Elle a lieu chaque année et voit se succéder différentes associations estudiantines sur le dancefloor. En effet, chaque groupe doit préparer une chorégraphie qu’il ponctue de mouvements très élaborés comme des coups de pouce vers la gauche, des moulinets disco vers la droite ou des bras bien levés vers le haut. Avec des polos XXL et Les lacs du Connemara en fond sonore, je ne vous raconte pas comme tout ça est sexy…
Il était hors de question que mon association Adrénalille se ridiculise de la sorte devant 800 personnes. Nous devions innover, proposer quelque chose de nouveau, de vraiment différent. Nous nous sommes alors concertés avec Maggy et Marjorie pour arriver à un choix audacieux : cette année, Adrénalille ferait une chorégraphie sado-maso.
Ségolène et Anne-Christine furent d’abord un peu surprises. Surtout lorsque nous leur expliquâmes qu’elles devraient attacher Pierre et Michel avec des menottes, puis les libérer pour les chevaucher et les cravacher. Forcément, ça fait un peu bizarre dit comme ça.
Elles eurent également un peu de mal à accepter de s’habiller en cuir, de porter une jupe fendue jusqu’au décolleté et de se maquiller comme un camion volé par Nina Hagen. Oui, elles eurent un peu de mal et on peut les comprendre.
Mais elles acceptèrent finalement de faire les putes devant 800 personnes lorsqu’elles prirent connaissance du morceau choisi pour danser : » Disco science » de Mirwaïs.
La chorégraphie avait été répétée pendant deux après-midi. Je supervisais les 5 couples et le « ménage à trois » que formaient Pierre, Anne-Christine et Marjorie. Moi je dansais avec Anne-Isabelle. Elle redoutait un peu le moment où je devais la prendre en levrette devant 800 personnes. Ca se comprend.
Moi aussi je flippais à mort mais je ne devais pas le montrer.
J’avais mis au point tous les gestes : des mouvements lascifs de bassin aux coups de fouet. Si j’affichais mon appréhension devant mes amis, ils se seraient mis à paniquer et à être mal à l’aise avec leur corps et face au public.
Oui j’avais peur. J’avais tout d’abord peur que Pierre oublie un geste de la choré, qu’un autre se trompe sur les temps ou qu’Arnaud rigole pendant toute la chanson alors qu’on était censé être super sérieux afin d’exprimer notre sexualité (« Si vous rigolez, ça fera Rabbi Jacob ! » leur avais-je dit). Mais je craignais aussi et surtout la réaction du public. Ne nous huerait-il pas ? Ne serait-il pas scandalisé par tant de vulgarité ? A quel point cela nous troublerait-il ?
Il était trop tard désormais pour se poser ces questions. Nous étions tous habillés en cuir sur le côté de la scène attendant que le DJ nous appelle. Des regards étonnés jaillissaient de l’audience. Je regardais mes pieds.
« Et maintenant place à Adrénalille ! »
Nous nous positionnâmes contre le mur.
La chorégraphie allait commencer, maintenant.
Les basses de Mirwais, ma partenaire contre mon corps, ses cheveux sur mes épaules, mes coups de bassin, mon sexe contre ses reins, sa taille entourant mes hanches, les coups de fouet, sa cravache entre mes fesses, mon envie de l’embrasser, mon envie de la baiser, mon envie de tous les baiser, eux le silence en face de moi.
Les dernières notes et ma tête baissée, immobile.
Pendant 3 minutes et 31 secondes.
Et là les cris, et là la joie. 800 personnes à crier notre nom « Adrénalille ! Adrénalille ! ».
Et les sourires et les compliments qui fusent pendant toute la nuit :
« Votre choré était géniale. »
« Je ne pensais pas que vous étiez comme ça ! »
« Je vous regarderais autrement maintenant ! »
« Fouette-moi ! »
« Je suis pas du tout homo mais tu m’as fait bander TacTac ! »
La suite de la soirée n’est qu’alcool et fouettages de cul. Je ne me souviens plus de grand-chose à part que j’ai passé une des meilleures soirées de ma vie.
Et tout comme Maggy qui était repartie de la boîte en jupe fendue et en cuissardes parce qu’elle avait oublié son pantalon et ses chaussures dans le vestiaire ; j’ai quitté la discothèque avec ma tenue sado-maso en oubliant mes habits de ville en coulisse.
Et en gardant comme souvenir un fouet dans mon placard.