Dormir plus pour vivre plus

Je suis toujours étonné par les couvertures de Psychologies Magazine. En effet, elles proposent constamment le portrait d’une célébrité avec le nom du dossier du mois en lettres capitales. Cette mise en page donne de curieuses couvertures comme la photo de Zazie avec écrit en dessous « Affronter la ménopause » ou bien encore ce mois-ci Juliette Bimoche qui se demande comment « échapper à la bêtise ».

Dans une de ses plus célèbres interviews, Jacques Brel ne trouvait pas d’excuse à la bêtise. Pour lui, elle n’était que le fruit de la paresse, une mauvaise pomme trop mûre qui ne demande qu’à tomber mais qui jamais ne chute. La bêtise était un manque de réflexion sur soi, sur les autres, sur le monde ; elle s’adressait donc en premier aux fatigués.

Les épuisés, les éreintés, les harassés, ceux que les bâillements cernent et que les cernes encerclent, je les ai cernés. Petite mine au petit-déjeuner et grande gueule aux grands dîners. Qui soupent de l’air la nuit tombée et l’exhume au soleil levé. Qui insultent le réveil. Car c’est ça le coupable : la machine, la société, et non pas l’irraison des couchers cons. Si levés sept heures pour le boulot, goûtons les draps à deux heures cinq. Cinq heures suffiront. Moins les heures d’assoupissement. Aucune réparation dans cette nuit, surtout pas celle de la raison.
Les moutons ont du pain sur la nuit blanche.

Dormir plus pour vivre plus. Se coucher tôt pour se reposer, s’apaiser, se rendre vif la journée et échapper à la sottise ? Not so simple.

Après de longues journées de travail, où le métro vous dépose au seuil de l’appartement, les yeux crevés et l’estomac béant, voulez-vous coucher avec froid ce soir ?
« Je veux profiter ! Je veux profiter ! »
Et même s’il n’y a rien à profiter, on veut se changer les idées et s’imaginer pendant un bref instant que la liberté existe à la nuit tombée.
« J’veux sauter sur l’lit de Papa, manger d’la pizza et boire du coca ! »

J’veux m’tuer devant l’écran et bouffer du Nutella à la cuillère. J’veux du concentré, du solide, de l’efficace et du rapide. Me rassasier, gâter mon appétit et même jouir si je peux. Bouffe et sexe remplisseurs, gestionnaires de mes envies, de mes gâteries, ont le dessus sur mon dernier besoin. Le sommeil m’attend bien loin.

Couette déprimée et oreillers pleureurs, le royaume des oublis se fait également oublier. A deux je ne dis pas, mais tout seul je lui dis non. Et pourtant le sommeil ne me fait pas rêver que dans mes songes, il me fait également rêver lorsque je l’invoque en conf-call, en meeting ou en copil ; tous ces mots barbares qui rendent ville plus vile. Mais surtout, c’est le repos qui me rend dynamique, attentif et pertinent ; c’est lui qui me donne bon teint et ce charme qui peut plaire. C’est là que le sommeil me fait rêver en journée, lorsque mes minutes sont belles et que j’en profite.

Alors que dois-je faire ? Me coucher tôt après avoir passé une belle journée ou me coucher tard pour ne pas avoir fait que travailler ? La raison voudrait que je choisisse la première possibilité, mais bien souvent c’est mon moral qui a le mot dernier.

Echapper à la bêtise n’est vraiment pas une tâche aisée.

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