Motivés, motivés, il faut se motiver…
Qu’est-ce qui pouvait réellement me motiver ? Qu’est-ce qui pouvait réellement me pousser à me lever tous les matins et à envoyer des CV qui ne seraient pas lus ?
Je me suis alors posé des questions sur la motivation et je me suis dit que finalement ça repose juste sur le besoin de reconnaissance. Tout est dans l’égo. Et l’égo comme les couleurs, ça ne se discute pas.
Mais attention, le besoin de reconnaissance n’a rien d’avilissant pour moi ; ça dépend juste de qui on l’attend. De ses parents, de ses collègues, de son épouse, de ses enfants, ses amis, son ami, ses voisins, nin-nin-nin, Sarkozin… La reconnaissance est le moteur teuf-teuf d’un taf ; bien avant les thunes et l’épanouissement personnel dont il est l’est à l’origine.
Et bien moi, j’avais juste besoin qu’un garçon s’intéresse à moi.
« Et tu fais quoi dans la vie ? » est la deuxième question que l’on pose à un inconnu juste après son prénom. Notre profession est censée nous situer sur la géosphère sociale. On pourrait nous demander quelle est notre couleur préférée, notre âge ou notre signe astrologique, non, on nous demande notre métier. Pour se faire une idée, pour voir si ça vaut la peine de passer du temps avec nous, pour conforter ses préjugés. Si notre couleur de peau n’était pas visible, je suis certain qu’on nous demanderait nos origines raciales en deuxième question. Peut-être est-ce déjà le cas pour les métis indéfini ?
« Alors tu fais quoi ?
– De la peine.
– Hein ?
– Pitié. Je fais pitié. »
En rire en premier plutôt que de lire encore une fois l’apitoiement ou pire, la déception.
« Je cherche du taf.
– Tu pourrais quand même inventer un métier lorsqu’on te pose la question. Chômeur c’est pas très glamour. »
« Envoyer et clore. »
Que l’on se sent peu séduisant lorsqu’on est chômeur. Comme si on découvrait que les étoiles qui brillaient autrefois dans nos yeux n’en étaient pas. C’était juste de l’or, de la poudre aux yeux. L’argent rend plus sexy. Enduisez-moi d’or et les regards se porteront sur moi. Même si j’ai l’air con de me ballader à poil dans la rue avec le cul doré.
Mais le problème n’est pas là, pas dans la thunasse patatas. Le fait d’avoir un travail, les implications et les frustrations qu’il implique, le rythme, les brimades et le rôle qu’on y joue ; tout cela donne une consistance, une confiance en soi qui rend moins con.
Et plus désirable.
« Tu sais, je crois que ça va pas le faire nous deux. Le mieux, c’est qu’on se revoit lorsque tu auras trouvé un boulot. »
Elle était là ma motivation ! Le Généticien venait de me la donner. Sans emploi, je signai un CDI avec le célibat.
Le chômage serait pour moi synonyme de steaks hachés individuels au supermarché et d’ampoules que je tarde à remplacer dans la salle de bain. Sans taf, c’était un réveillon 2046 tout seul devant mes huîtres avec Turlututu mon chapeau pointu et ma langue de belle-mère sans gendre. Au chômage, ce serait à volonté le fromage car personne à embrasser. Sans activité, une vie sans bébé ; sans descendance, sans héritage. Un chômeur mort ne fait pas que baisser les courbes, il courbe également l’échine face à l’utilité ; face contre terre.
Je voulais la postérité, de quelque façon qu’elle soit. Je voulais et veux toujours que quelque chose me survive, un enfant ou une œuvre accomplie, quelque chose qui ne vivrait pas que dans les mémoires mais également dans le présent. Mais pour cela il fallait travailler, se construire, agir, créer. Une activité. Car ne pas travailler, c’était être déjà mort.