La paupière de Thom Yorke

Je me suis aperçu que depuis de longs mois je ne ressens un véritable épanouissement qu’en écrivant ou en me promenant dans la rue le casque sur les oreilles. Cela a de quoi me faire flipper.
Dans ma bulle, mes sensations intactes, je les dissèque, je les savoure ; dans ma solitude de vieux garçon.

Je me sens triste, je mets une chanson. C’est devenu un réflexe chez moi, une évidence, je mets de la musique pour simuler une présence.
Je tape « happy » dans iTunes. Je tombe sur Happy ending de Mika. Ca n’a rien d’happy mais c’est pour ça que je l’écoute jusqu’au bout.

J’ai passé mon samedi dans un clip des Chemical Brothers, la vie au ralenti. Après avoir passé trois heures à pleurer, je suis sorti dans la rue. La déprime d’été a ça de bon qu’elle se passe au soleil. Une voiture s’est arrêtée pour me demander son chemin ; je ne l’ai remarquée que lorsque son chauffeur m’a insulté. Non je n’ai pas pris de cachets. En revanche j’ai bien remarqué le taxi qui a failli me renverser et lui ai crié dessus avec la violente vulgarité qui peut me caractériser. Les mots marquent plus les esprits qu’un capot défoncé.

Je crois que je suis en train de perdre mon œil droit. C’est pourtant celui avec lequel je vois le mieux. Depuis deux jours il ne fait que pleurer ; je devrais penser à aller consulter. J’espère qu’une bestiole ne s’y est pas logée, comme il avait pu arriver à mon frère par le passé.

Après avoir retrouvé un temps le sourire avec quelques amis chez un Japonais, je me suis écouté mon idole Anglais. Celui qui ne me fera jamais complexer sur un œil trop fermé. La paupière de Thom Yorke me fait fantasmer. Et en l’entendant chanter deux fois à Bercy je me suis dit « Je pourrais rester à vie avec un homme comme lui ». Mais un homme aussi beau ne se trouve pas au coin du caniveau.

Alors je ferme un œil sur le quai du métro et vois la plus belle aveugle qui soit la canne blanche au bras. Apprêtée comme un dimanche, sa tenue est parfaitement coordonnée, les couleurs de son sac s’unissant à merveille à sa robe imprimée. Pour ainsi marier les couleurs elle doit être aidée. Pour ainsi manier le bonheur elle doit être aimée. La belle aveugle du quai bondée s’assiéra sur un strapontin dans sa timidité.

Au moment de me coucher j’ai enfin compris. Alors dans l’obscurité où pleure mon œil droit, je m’allonge dans mon lit et ai trouvé ma chanson. Everything in its right place dans mes oreilles pour m’endormir. There were two colours in my head today.
Je n’en entends pas la fin et m’endors pendant. Car tout retrouve sa place à la fin des journées, même dans le plus grand bordel des samedis aveuglés.

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